LÉGENDE DE LA CONSTELLATION DU DAUPHIN- Où LA TROUPE D’ARION CONNAIT UN MAUVAIS SORT
Connaissance & Partage
LA CONSTELLATION DU DAUPHIN 12 octobre 2021
Deuxième épisode Où la troupe d’Arion connaît un mauvais sort
A la mi-journée, Arion et tous ses musiciens se retrouvèrent sur le pont où une grande table avait été dressée afin qu’ils puissent manger et se désaltérer. Tous avaient bien dormi et se pressèrent autour des victuailles et des boissons.
« Je vous invite, chers amis, fit Xyros, le capitaine du Stella. Maintenant que vous êtes reposés, il est temps de remplir vos estomacs. Commençons, si vous le voulez bien, par boire à la santé de tous les artistes et plus particulièrement à celle des musiciens. »
Dans le brouhaha d’applaudissements et de hourrahs, il leva son verre et invita les musiciens à l’imiter.
« Vos hommes d’équipage ne nous accompagnent pas, questionna Arion ? »
« Non, chacun est à son poste car il y a, dans la région, de nombreux écueils et il ne faudrait pas en heurter un par manque de vigilance, fit le capitaine qui prit bien garde de ne boire aucune gorgée du mélange alcool-somnifère. »
La boisson agit rapidement car, un quart d’heure après, Arion et tous ses musiciens dormaient comme des marmottes. Ce fut un jeu d’enfant pour les pirates de les jeter pardessus bord se contentant de ne garder vivant qu’Arion, solidement ligoté ainsi que les précieux instruments de musique.
Lorsque ce dernier sortit de sa torpeur et ne vit aucun de ses musiciens, il interrogea le capitaine :
« Xyros ! Bandit ! Qu’as-tu fait de mes accompagnateurs ? »
« Ils jouent certainement de la musique à quelques langoustes, à moins qu’ils aient réussi à dénicher quelques sirènes, lui répondit le capitaine sous les éclats de rires des membres de l’équipage. »
Arion comprit très vite qu’il était tombé dans un traquenard duquel il lui serait certainement difficile de sortir. Il devait, très vite, trouver un moyen de berner l’équipage. Après quelques minutes de réflexion, il demanda une faveur au capitaine :
« Mes musiciens sont morts noyés sans qu’un hommage mortuaire leur ait été rendu. Me permets-tu de prendre ma lyre et d’implorer la clémence d’Hadès, le Dieu-des Enfers ? »
« Au contraire lui répondit le capitaine. T’entendre jouer sera un régal pour chacun d’entre nous. »
Sous les applaudissements des marins, Arion se leva alors, se saisit de sa lyre et se percha à la poupe du Stella. Comme Xyros s’étonna qu’il s’installe si inconfortablement, Arion lui expliqua :
« C’est de là, prétendit-il, qu’avec une bonne vue sur les flots, je pourrai le mieux entrer en contact avec les Dieux de l’Olympe. »
Xyros et ses marins s’assirent sur le pont et se préparèrent à profiter d’un mini-concert gratuit. Quelle aubaine ! Arion accorda sa lyre, se fit la voix et commença son chant. Cependant, plutôt que d’adresser un message à Hadès, il lança un appel au secours à Poséidon, le Dieu de la Mer et des Océans.
Pour accentuer sa tromperie, plutôt que de chanter en grec, il utilisa un ancien dialecte hellène, très peu connu dans le peuple et ignoré, bien sûr, de l’équipage. Poséidon entendit et comprit instantanément l’appel au secours d’Arion et le piège dans lequel il était tombé. Immédiatement il envoya Delphinos, un énorme dauphin champion de rapidité, au secours du chef musicien.
Au moment où nous retrouvons celui-ci, il jouait quelques douces mélodies. Son auditoire, sous l’effet de l’enchantement, commençait à s’endormir, chacun rêvant à la belle qu’il avait laissée au foyer. La soirée se prolongea ainsi jusqu’à la tombée de la nuit.
Soudain Arion, de son poste en hauteur, vit un énorme dauphin qui se frottait contre la coque du navire et semblait l’inviter à le rejoindre. Il n’hésita pas une seconde. Comprenant que le dieu de la mer venait à son secours, il se jeta à l’eau et prestement se hissa sur le dos de l’énorme cétacé qui s’échappa rapidement vers la côte. Stupéfaits, le capitaine et ses marins se précipitèrent vers la poupe du bateau mais, lorsqu’ils jetèrent leur regard vers les flots, ils ne virent rien, tant la nuit était avancée.
« Le malheureux, fit Xyros, nous sommes à plusieurs milles des côtes. Il n’a aucune chance d’éviter la noyade. Il retrouvera ses amis au fond de l’eau. Dommage car c’était un bon musicien. »
Or, la colère de Poséidon ne s’arrêta pas aussi facilement. Comprenant qu’Arion avait été agressé par l’équipage du bateau, il déclencha une terrible tempête dans la région. Le capitaine et ses marins ne purent sauver le Stella qui devint incontrôlable et ce n’est qu’après plusieurs heures d’errance qu’un bateau de pêche les repéra. Celui-ci les conduisit jusqu’au port de Corinthe où leur état de fatigue fut amplement commenté par les autochtones.
Aucun habitant du port ne comprit pourquoi le Stella avait sombré car personne n’avait entendu parler d’une terrible tempête au large et plusieurs bateaux avaient même accosté dernièrement.
« Ton cas est unique, mon cher Xyros, fit un marin de ses connaissances ! Qu’as-tu fait à Zeus ou à Poséidon pour t’attirer ainsi leurs foudres ? Une tempête aussi localisée ne peut être provoquée que par la colère des dieux de l’Olympe.»
Le capitaine, très énervé, ne répondit à aucune question. Il avait du mal à digérer d’avoir perdu, par le fond, son bateau, son chargement de blé, les pièces d’or volées aux musiciens ainsi que les instruments de musique. Lui qui croyait devenir riche, devenait un marin désargenté et ruiné. Quant à ses marins, ils l’abandonnèrent et tentèrent de trouver un autre capitaine.
Quant à Arion, son dauphin salvateur le conduisit, sain et sauf, jusqu’au port de Corinthe où il fut immédiatement reconnu par les habitants. A peine informés de ses malheurs, quelques personnes se firent un plaisir de le conduire, à sa demande, jusqu’au palais de Périandre. Le roi eut ainsi écho de ce curieux naufrage. Lorsqu’il en parla à Arion, il comprit le fin mot de l’histoire car celui-ci lui raconta l’agression dont lui et ses musiciens avaient été l’objet.
« Et si l’on donnait une leçon à ce pirate, lui proposa Périandre ? » Quel piège les deux amis vont-ils tendre à Xyros ?
(à suivre)
Bob