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DANGERS DU VOLCAN, TENACITE DES HOMMES

PETITES CHRONIQUES DE CONFÉRENCIERS

DANGERS DU VOLCAN, TENACITE DES HOMMES

Connaissance & Partage

Dans cette mini série à suivre, je veux vous présenter quelques volcans que j’ai eu l’occasion de parcourir dans le cadre de mes voyages, seul ou avec des amis géographes, un peu partout sur la planète. Malgré la dangerosité de ces lieux, des familles s’accrochent à ces terres, souvent faute d’un ailleurs où se réfugier, mais parfois aussi par amour et foie inébranlable dans l’avenir.

Première étape de ces pérégrinations : le Cap Vert, ce « Petit pays » chanté par Cesaria Evora.

1 - FOGO

1 - FOGO

L’archipel du Cap Vert, devenu pays indépendant en 1975, comporte dix iles et quelques ilots qui émergent de l’Atlantique à environ 600 km au large des côtes du Sénégal. Cet archipel est d’origine volcanique, créé par un point chaud du manteau qui s'est manifesté à partir de – 25 M d'années.

A- Carte archipel

A- Carte archipel

La partie orientale de la plaque océanique issue de l'ouverture de l'Atlantique, est repoussée vers l’Afrique. Cette plaque océanique se déplace ainsi au dessus d’un point chaud qui la perfore au rythme de l’intensité de son activité. En conséquence de cette translation de la plaque vers l’est, les plus anciens volcans de l’archipel sont à l'est, les plus récents sont à l'ouest.

B- Coupe point chaud

B- Coupe point chaud

Mais les parties nord et sud n’ont pas dérivé selon le même axe et à la même vitesse en raison d’une faille transformante qui affecte la plaque océanique : le V que forme l’archipel s’ouvre de plus en plus au fil du temps. Le groupe des iles du nord (“Barlavento”) s’éloigne vers le N-O, tandis que celles du sud de l’archipel (“Sotovento”) migrent vers le S-O.

Dans cet archipel, une seule ile est encore actuellement le siège d’une activité volcanique, l’ile de Fogo. Pratiquement circulaire, d'environ 25 km de diamètre, l'ile de Fogo n'est que la partie émergée d'un énorme stratovolcan dont la base repose sur le plancher océanique à – 4.000 m. Le Pico culminant à 2.829 m, la hauteur totale de l'édifice volcanique est de donc de 7 km, ce qui en fait un des plus imposant du monde. Il a commencé à s'édifier il y a 4,5 M d'années, son émersion n'étant pas datée (vers –1M d'années ?). La physionomie actuelle de l'ile résulte d'un énorme effondrement de flanc sur le volcan originel qui lui a donné naissance.

C- bloc relief de l’ile

C- bloc relief de l’ile

D- coupes schématiques de l’effondrement

D- coupes schématiques de l’effondrement

On estime, à partir des pentes de celui-ci qui se sont conservées, que son cône devait culminer vers 4.000m. Mais il y a environ 75.000 ans – peut-être un peu plus – après vidage de sa chambre magmatique, tout le flanc ouest du volcan primitif s’est effondré, ce qui a engendrée la formation de la caldeira dans laquelle s'élève le cône actuel du Pico. Mais cet effondrement a aussi généré un énorme tsunami dont la vague d’attaque a pu atteindre plus de 200 m sur l’ile voisine de Santiago et dont on trouve des effets jusque sur l’ile de Sal.

E- tsunami sur Santiago

E- tsunami sur Santiago

C’est un phénomène similaire qui s’est produit très récemment sur le volcan Krakatoa dans le détroit de la Sonde. Regardez bien la 2e image : des cercles d'ondes à la surface de la mer sont bien visible sur ce cliché, ce qui prouve que l'éruption continue sous l'eau. Mais l'ile que j’ai connue en 1987 n'existe plus…

F- Krakatoa

F- Krakatoa

LE FOGO ACTUEL EST UN VOLCAN PARTICULIEREMENT ACTIF.

Depuis la découverte de l’ile par les Portugais – inhabitée comme tout l’archipel à l’époque – on y a enregistré 27 éruptions importantes. Jusqu’en 1769 le cratère sommital du Pico est actif. Depuis, toutes les éruptions ont lieu sur une ligne de fracture N-S qui affecte la partie basse de son cône, sur son flanc ouest. Il est aujourd’hui jalonné de petits cratères adventices dont les éruptions sont de type strombolien : les laves sont plutôt fluides et s’épanchent hors du cratère avec des vitesses variables selon leur composition chimique. Alternant avec les émissions de fontaines de lave les éruptions s’accompagnent de projections de cendres et lapillis qui peuvent retomber en dehors de la caldeira de Cha. Mais globalement le volume de lave émis reste modeste et presque toujours confiné dans la caldeira. Sans conséquence pour les hommes puisqu’elle reste sans peuplement jusqu’au début du 20e siècle.

Les violentes famines de la fin du 19e siècle poussent des iliens à venir s’installer dans la caldeira qui depuis le 18e siècle recevait quelques troupeaux pour pâturer sur ses terres. Car l’espace de la caldeira, vaste domaine à peu près plan de 35km2 se révèle favorable à l’exploitation agricole : l’altitude supérieure à 1700 m assure des précipitations occultes (rosée, condensation des brouillards, etc.), l’exposition des pentes favorise un ensoleillement optimum et 2 sources abondantes garantissent la pérennité de la vie. Les premiers occupants permanents s’installent en toute liberté à partir de 1917 et un demi siècle plus tard, la population de la caldeira atteint 1300 habitants regroupés principalement dans 2 gros villages, Bangaeira et Portela, vivant dans une relative autarcie.

LES 3 ÉRUPTIONS DEPUIS 1951 REMETTENT EN CAUSE LE FRAGILE ÉQUILIBRE TROUVE ENTRE LA NATURE, LES GENS DE LA CALDEIRA ET LE POUVOIR POLITICO ADMINISTRATIF (ENCORE COLONIAL PUIS DE L’INDÉPENDANCE) .

* La première éruption de juin à août 1951 se manifeste par 2 coulées : l’une, près de Bangaeira, plutôt limitée mais qui colmate les 2 sources existantes, les rendant définitivement inutilisables ; l’autre, plus conséquente s’écoule sur le flanc sud du Pico dévalant jusqu’à la mer vers Cova Marthino. L’eau doit désormais être récupérée sur le flanc du grand escarpement d’environ 1000m de la Bordeira qui ferme l’ouest de la caldeira pour être stockée dans une vaste citerne. Mais l’activité humaine n’en est pas fondamentalement affectée.

* Il en va tout autrement avec l’éruption d’avril à mai 1995. Un nouveau cône s’édifie sur le flanc sud-ouest du Pico. Des projections de cendres et de lapillis tapissent la caldeira. Les coulées de lave sont abondantes, leur épaisseur pouvant atteindre 20m. S’écoulant vers l’ouest, elles restent confinées dans la partie sud de la caldeira. On ne déplore aucune victime car la progression des laves est restée relativement lente. Mais l’éruption provoque des dégâts conséquents : 5 km2 de terres sont perdus, le hameau de Boca de Fonte, qui regroupait 56 habitants à environ 2 km à l'ouest du centre des éruptions, est détruit, de même que la coopérative viticole dont les stocks, prêts à la vente, connaissent le même sort. Enfin, affectant durablement la communication entre la caldeira et le reste de l’ile, l’unique route d’accès est coupée.

G- extension coulée 1995

G- extension coulée 1995

Dès cette date, le gouvernement entreprend de construire des maisons près des villages existants à l’extérieur de la caldeira et envisage la création d’un parc naturel dans celle-ci, vidée de ses habitants. Si le parc est créé en 2003, son administration doit composer avec le retour de la population (à plus de 92% de l’effectif antérieur) et le boom économique, soutenu par des ONG extérieures qui ont découvert l’existence de ce microcosme à l’occasion de l’éruption. Une coopérative viticole est reconstruite en 1998 et la production viticole explose : de moins de 2.500 litres elle atteint 200.000litres en 2014 avec un spectaculaire gain de qualité. Couplée aux ressources qu’offre désormais un tourisme attiré par le volcan, la population s’enrichit, y voyant le fruit de son acharnement contre les entraves administratives mises par les autorités. Signe au moins moral de cette défaite du pouvoir, le siège gestionnaire du parc est transféré de la capitale de l’ile, San Felipe, dans un luxueux bâtiment édifié à la limite des 2 villages de Portela et de Bangaeira. Inauguré en octobre 2013, il est détruit lors de l’éruption qui débute en novembre 2014 !

H- siège du parc détruit.

H- siège du parc détruit.

I- extension des coulées2014

I- extension des coulées2014

* Car de novembre 2014 à janvier 2015 une nouvelle éruption survient, beaucoup plus destructrice que la précédente. Elle débute sur la même ligne de fracture un peu au dessus du petit Pico avec les mêmes phénomènes que celle-ci.

J-cratère petit Pico

J-cratère petit Pico

K-l’étalement de la coulée dans la caldeira

K-l’étalement de la coulée dans la caldeira

L- l’ensevelissement de Bangaeira

L- l’ensevelissement de Bangaeira

S’il n’y a aucun mort, les dégâts sur le bâtit sont considérables et l’espace agricole se restreint encore. Le pouvoir pense alors pouvoir réaliser son projet de Parc Naturel intégral autour d’une caldeira définitivement sans population. Créé en 2016, il est inscrit au patrimoine de l’UNESCO, en particulier comme sanctuaire d’endémiques (faune et flore) Mais c’est mal connaître l’attachement viscéral de la population locale à « son » volcan. Contre le pouvoir, sans aide aucune, une partie de la population (environ 40% fin 2018) revient vivre dans la caldeira et s’auto-organise pour mettre en place un minimum d’infrastructure. Aussi pas question de payer les taxes que réclame la mairie de Santa Catarina, dont dépendent les villageois de la caldeira : «Nous n’avons eu aucune aide pour reconstruire nos vies. On ne demande rien, juste qu’on nous laisse tranquilles.» Depuis la rentrée 2017, les enfants suivent les cours qui se déroulent dans une maison épargnée par l’éruption, à quelques centaines de mètres à l’ouest de Portela. On la rejoint en crapahutant à travers le champ de lave, sur des grumeaux de pierres poreuses et abrasives qui s’effritent sous les pas. La visite de cette école de l’espoir reste un grand moment d’émotion de ma découverte de l’ile. Mais comme un flux de tourisme de découverte de la nature dans cet espace volcanique tout frais s’intensifie, cela pousse le pouvoir à engager la reconstruction d’une route pour désenclaver la caldeira.

M- les reconstructions L’ancien hôtel est enfoui sous une dizaine mètres de laves scoriacées. La propriétaire a immédiatement engagé la construction d’un nouvel établissement par dessus la « tombe » de l’ancien.

M- les reconstructions L’ancien hôtel est enfoui sous une dizaine mètres de laves scoriacées. La propriétaire a immédiatement engagé la construction d’un nouvel établissement par dessus la « tombe » de l’ancien.

N- le chemin de l’école

N- le chemin de l’école

O- les écoliers

O- les écoliers

Le plus bel hommage que vous pourrez rendre à ces « entêtés », quand finira le confinement, sera de mettre cette escale dans vos projets de voyage lointain, avec en prime la stupéfiante beauté des cratères et des coulées…

P- des laves

P- des laves

Q- des laves

Q- des laves

R- des laves

R- des laves

Jean BARROT