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PETROGLYPHES 1ERE ETAPE : L’EUROPE

PETITES CHRONIQUES DE CONFÉRENCIERS

PETROGLYPHES 1ERE ETAPE : L’EUROPE

Connaissance & Partage

PETROGLYPHES 1 ÈRE ETAPE : L’EUROPE


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Puisque les séries ont le vent en poupe à la télé, en voici une qui se propose de vous faire faire un petit tour du monde en me suivant sur les sites que j’ai visité au fil de mes voyages

Si l’art pariétal des grottes est bien connu du grand public qui se presse en nombre pour visiter les « fac-simile » de grottes aussi célèbres que Lascaux ou Chauvet ou les nombreuses grottes réelles parfaitement accessibles, la notion même de pétroglyphe est le plus souvent ignorée, alors que la France en détient un des sites les plus fameux, au moins d’Europe, avec les environs du Mont Bégo et la Vallée des Merveilles dans le parc national du Mercantour.

Un indice de ce constat. Il fut un temps où les gens s’écrivaient et validaient leur envoi par l’utilisation d’un timbre : la Poste a édité plusieurs d’entre eux illustrés de représentations de cet art pariétal. Mais aucun pour les pétroglyphes de la Vallée des Merveilles…

Un pétroglyphe est un dessin réalisé sur une paroi rocheuse, parfois en abri, ou sur un rocher isolé, en plein air et donc exposé à la vue de tous, contrairement aux peintures pariétales réalisées au plus profond de grottes obscures. On en trouve un peu partout sur la planète et on continue d’en découvrir très régulièrement au fil des ans. Si ces dessins se sont conservés durant des millénaires, malgré leur exposition aux intempéries, c’est parce qu’ils sont gravés sur la roche.

Techniquement, la réalisation d’un pétroglyphe suppose un support et un outil.

* Pour le support il faut une surface, la plus lisse possible, comportant une patine qui protège la roche d’une altération en profondeur. Cette patine est le résultat de la migration de minéraux contenus dans la roche qui concrétionnent et se cimentent en surface : par exemple, la tonalité noire des roches en milieu désertique est le plus souvent le résultat de la migration du manganèse qui indure et protège alors la surface de la roche d’un vernis continu généralement très dur. Aussi, lorsqu’on attaque ce vernis on peut découvrir la teinte plus claire de la roche d’origine. Une figure peut alors apparaître…

* Pour attaquer ce vernis il faut un outil dont la dureté soit au moins équivalente à celle de la roche attaquée. Le silex est le matériau le plus fréquemment utilisé en raison de son abondance dans la nature. Mais il est aussi possible sur les roches les moins résistantes de réaliser cette attaque avec un bois de cerf, éventuellement un os. La technique la plus courante est celle du piquetage : une multitude d’impacts, décapant la surface du vernis fait apparaître tout un champ de petites cupules claires qui constituent le dessin. Ce piquetage ne jalonne pas que le contour, mais décape aussi le milieu de la figure. Plus rare, l’incision par frottage continu au long d’une ligne permet d’obtenir une entaille en V de la patine qui jalonne le contour de la forme que l’auteur veut obtenir. Le raclage de la partie intérieure au dessin peut donner des effets de “couleur”, voir de volume, qui viennent enrichir l’image réalisée. Ces 3 techniques peuvent s’associer pour un même dessin.

Si cette approche de la réalisation technique est assez facile à préciser, restent deux questions majeures qui suscitent des flots de controverses. De quand datent ces pétroglyphes ? Quelle est leur signification ? Les réponses varient évidemment énormément selon les lieux étudiés et selon les présupposés des chercheurs qui travaillent sur ces figures. Il faut donc se résoudre à admettre que ces figures conserveront à jamais une part d’énigme.

CECI POSE, SUIVANT LA FORMULE CONSACREE, « SUIVEZ LE GUIDE »…

1 – Pour commencer le circuit, je vous propose d’aller au Portugal dans la vallée de la Coa.

Ce site détient les plus anciennes gravures rupestres préhistoriques à ciel ouvert d’Europe. Découverts à partir de 1981, les sites de cette vallée affluente du Douro ont bien failli disparaître sous les eaux d’un barrage. Alors que sa construction était amorcée, un changement de majorité politique a conduit à son abandon en 1996, au classement de l’ensemble des sites au Patrimoine de l’UNESCO en 1998, à la multiplication des études depuis, et à l’ouverture au public dans des conditions d’accès très contrôlées de quelques points à partir de 2000.

Le résultat le plus assuré est la datation de ces pétroglyphes. Faute de restes organiques datables au carbone 14, les chercheurs ont pu recourir à une analyse en thermoluminescence des résidus d’usure des outils utilisés dans le fond des cupules. Les figures les plus anciennes ont environ de 28 à 30 mille ans et sont les plus nombreuses : environ 50% des figures de la vallée. A partir de ce calage dans le temps, une chronologie relative peut être établie à partir de références stylistiques bien caractérisées pour des sites pariétaux bien étudiés (Gravettien –> Solutréen –> Magdalénien). A la fin du Paléolithique, vers –12.000, la déglaciation entraine la modification de la géographie de la vallée : des sédiments s’accumulent en terrasse, ce qui va fossiliser et protéger les parties les plus basses des parois gravées. Quelque rares figures accompagnées de traces de peinture sont plus récentes (“Age du Fer” ?).

Toutes les figures évoquent un bestiaire animalier qui est surtout dominé par les chevaux : presque la moitié des figures gravées. Des bovins, des caprins, des cervidés sont aussi en nombre. Rares : les bisons, les rennes. Et très rares, les figurations humaines qui sont associées à la toute fin du Paléolithique, voir au début du Néolithique, d’après les chercheurs.

Parmi les clichés pris sur le site, je retiens ces 3 pour un examen attentif.

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Ce panneau est exceptionnel par sa lisibilité. Sur une dalle schisteuse dont le poli est remarquable (miroir de faille ?), on peut identifier 4 animaux qui se superposent pour partie. Au centre du cliché l’animal le plus imposant est un cheval. Le dessin de sa tête donne lieu à spéculation : le graveur a-t-il utilisé la découpe de la dalle pour lui donner du relief ou, plus simplement, l’érosion postérieure à la gravure a fait éclater un fragment de la roche, amputant le dessin de la tête ? A gauche, sous son garrot, une chèvre semble respecter l’échelle de taille entre les 2 animaux. Au dessus de la ligne dorsale du cheval la figure d’un bouc tourné dans l’autre sens s’identifie aisément. Par contre le repérage du 4ème  animal est plus délicat : la ligne dorsale est bien marquée ainsi que la cuisse postérieure. Il s’agit probablement d’un cheval. La ligne ventrale, amorcée par la gravure en cupules se prolonge par une ligne de cassure amputée de 2 éclats : exploitation d’une ligne préexistante ou accident provoqué par le graveur sur une zone de faiblesse de la roche ? Mais à partir de la base de la corne du bouc, le dessin perd de sa fermeté : un piquetage lâche se poursuit, incurvé vers le bord de la roche qui sert peut-être, ici aussi, à baliser le haut de la tête du cheval dont on devine le tracé de la mâchoire inférieure par piquetage. Mais le raccord avec la ligne ventrale et l’arrière-train ne semble pas avoir été achevée.

Cette représentation est typique du Paléolithique : l’animal est vu de profil, une seule patte à l’avant et à l’arrière et la figure est totalement déconnectée du sol

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Observez ce fragment de panneau. Il me semble amputé sur le haut et à gauche compte tenu de l’amorce des figures qu’on peut y voir : l’avant-train d’un cheval en haut à gauche et le départ d’une patte d’arrière-train d’un animal en haut au centre. Concentrez votre attention sur le profil des  2 chevaux dans le bas du panneau. Le dessin de celui situé à la base est d’une finesse de trait remarquable. La technique de réalisation est ici celle de l’incision, peu profonde mais d’une grande sureté d’exécution et d’un “réalisme” assumé (arrondi de la mâchoire inférieure, naseau). Le cheval en surplomb en impose par la puissance de sa gravure. Elle laisse percevoir une technique mixte de piquetage et d’incision profonde qui implique un temps de réalisation plus important pour un dessin plus frustre de la tête.

Mais ce qui apparaît mal sur cette photo, mais qui se voit bien sur le site, c’est que le corps se prolonge par 3 têtes en positions différentes : une vers le bas, une autre tendue dans l’axe, une autre vers le haut. Comme si le graveur avait voulu indiquer un mouvement (interprétation “dessin animé”) ou un troupeau (le corps du premier cachant celui des autres). Le guide sur le site plaidait plutôt pour la 1ère interprétation.  

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Ce panneau est un bon exemple de la superposition des figures conduisant parfois à l’illisibilité. Je vous épargne cette épreuve avec ce cliché qui permet cependant quelques identifications. Une tête de cheval gravée par incision se repère assez aisément. Mais pour le reste… Les dessins du haut sont plutôt élaborés à partir de cupules, celles-ci ébauchant une forme énigmatique verticale, pointue qui ne peut être rattaché à aucun animal.

Au total la vallée de la Coa comporte 30 ensembles de pétroglyphes répartis sur 17 km au long de la vallée où plus de 2.000 motifs ont déjà été identifiés sur 335 panneaux gravés. L’étalement chronologique des gravures, sur plus de 20 millénaires au moins, témoigne d’un environnement resté très favorable à l’occupation humaine lors du dernier stade de la glaciation würmienne.

2 – Poursuivons notre circuit en France pour les pétroglyphes du Mercantour

Je zappe ceux d’Olargues dans notre département (Peyro escrito, mal attestée en terme de datation) que peut-être certains d’entre vous connaissent, pour vous conduire dans la Vallée des Merveilles. L’ensemble du site est regroupé sous cette appellation bien que la vallée de Fontanalba contienne environ la moitié des figures. Le site s’étend sur plus de 1.400 ha autour du Mont Bego (culminant à 2.872m). On y a repéré plus de 40.000 gravures figuratives et plus de 60.000 signes divers répartis sur environ 3.700 roches. Mais ici pas de grand bestiaire animalier : ces pétroglyphes du Bégo que l’on peut regrouper en 2, 3 dizaines de types nous parlent d’une toute autre société que celle des hommes de la Coa.

Les supports sont de 2 sortes : de grandes dalles de schistes ou de grès, polies par l’érosion glaciaire, et des blocs erratiques transportés par les glaciers et abandonnés sur place à la fin de la glaciation würmienne. Le site est donc beaucoup plus récent (moins de 10.000 ans) que celui du Portugal.

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Au sein de cette période post-glaciaire, Néolithique au sens large, la majeure partie des figures sont considérées comme datant du Chalcolithique (Âge de la Pierre et du Cuivre) qui débute il y a environ 6.500 ans. L’élevage est désormais bien établi au sein de populations sinon nomades au moins transhumantes. Dans ce contexte, les riches pâturages d’altitude sont une ressource essentielle pour se substituer à ceux des plaines brulées des basses terres. Les figurations les plus abondantes sont des “cornus”, têtes de bovins stylisés, et des armes (poignards, hallebardes, haches, etc.). Prolifèrent aussi les figures géométriques (spirales, réticulés, etc.). En fin de période (Âge du Bronze)  on voit apparaître des figures anthropomorphes ainsi que des évocations du développement de l’agriculture : on dénombre plus de 1.200 figures représentant un attelage et une araire.

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L’enregistrement systématique de tous les pétroglyphes par Henri de Lumley (explorateur scientifique de la grotte de l’Hortus) depuis 1967 et par ses successeurs de nos jours a permis d’établir un corpus comparatif qui aide à décrypter les raisons de ces gravures. Un certain consensus s’opère pour voir dans un certain nombre de ces signes, outre l’expression d’une pensée symbolique, de véritables pictogrammes fonctionnant à ce titre comme une protoécriture, dont les hiéroglyphes égyptiens et les caractères chinois anciens sont un développement. Par contre sa signification nous échappe. Exprimant cette ignorance profonde, certaines figures anthropomorphes sont affublées de titres ridicules : le Sorcier, le Christ, le Chef de tribu, la Danseuse etc…

Les préhistoriens ne peuvent qu'émettre des hypothèses en se fondant sur d'autres cultures, d'autres lieux. Henry de Lumley voit dans les corniformes la symbolisation d’un Dieu-Taureau maître de la foudre et dispensateur de la pluie fertilisante, ou la Terre-mère dans certaines compositions de figures.

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Sur ce cliché un disque (dieu solaire ? puissance du ciel ?) prolongé de 2 lignes en zig zag (des éclairs ? : le mont Bégo est connu pour la violence et la fréquence de ses orages) serait l’expression du bienfaiteur de l’agropastoralisme. Du disque, creusé de cupules, une bande large gravée de la même manière se termine sur un glyphe représentant une grille quadrangulaire. Ce type de figure, fréquent sur le site, est interprété comme la représentation d’un parcellaire agricole. Le pétroglyphe peut donc se lire comme un orage apportant aux champs l’eau bienfaisante du ciel.

Les vallons autour du Mont Bégo seraient le lieu de l’exercice du culte de ce couple primordiale. Amplifiant cette vision, certains considèrent la montagne comme “lieu sacré” : pour vous donner une image, l’équivalent chrétien en serait l’église ou la cathédrale, l’endroit ou le chemin qui s’élève vers les divinités. Le long de cette "voie" les hommes protohistoriques auraient gravés la pierre pour sanctuariser les lieux (l’équivalent chrétien en étant le “chemin de croix”). D’autres chercheurs “laïcisent” le site en en faisant un observatoire astronomique dont certaines figures seraient l’enregistrement des observations effectuées sur les cycles de la Lune et du Soleil (pour aborder ce point, je vous suggère de consulter : « La mesure du temps saisonnier au Mont Bégo – Jérôme Magail, Archeam).

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Jean BARROT