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LE DERAISONNABLE DE L’ISLAM

PETITES CHRONIQUES DE CONFÉRENCIERS

LE DERAISONNABLE DE L’ISLAM

Connaissance & Partage

Le temps, le temps

Le temps et rien d'autre

(CHARLES AZNAVOUR)

LE DERAISONNABLE DE L’ISLAM

Voilà près de 10 ans, en 2011, je commençais ma coopération avec Connaissance et Partage par une conférence sur l’islam et l’islamisme, interdite par la direction de la MJC André Malraux, qui l’avait initialement sollicitée. En 2012 débutait une série d’attentats meurtriers dans notre pays qui ont fait depuis plus de 300 victimes assassinés et quelques milliers de blessés, vivant avec des séquelles au moins psychologiques. La tension dans l’opinion contre l’islam, assimilé à l’islamisme, n’a depuis cessé de monter, créant une fracture de plus en plus inquiétante au sein de la société, en particulier chez les jeunes générations, porteuses de notre avenir commun : ce jeudi 05 novembre 2020, un sondage IFOP nous apprend que 57% des jeunes musulmans français considèrent la charia comme plus importante que les lois de la République.

Je souhaite donc étudier ici ce qui, au sein même de l’islam, dans le dogme comme dans l’héritage historique, a conduit à une telle rupture, générant au sein même de la « communauté des croyants » dans le monde des conflits d’une violence extrême dont les musulmans sont les premières victimes.

L’hypothèse de base de mon approche n’a rien d’originale : au moins à partir de la Renaissance, l’Occident s’engage dans la voie de la valorisation de la raison, y compris par l’examen exégétique des textes sacrés, alors que l’islam s’enferme dans la soumission à une parole censée venir directement de Dieu. Comme je n’ai aucune légitimité en exégèse, je vais aborder cette question du moment de la rupture à partir de la question de l’astronomie et de l’élaboration des calendriers.

A LA CLE : L’HERITAGE GREC.

Lorsque j’enseignais la géographie au collège, avec mon collègue de math, nous avons mené une expérience de réflexion commune entre les 2 disciplines. Un thème que nous avions retenu était la question de la sphéricité de la terre. Le schéma proposé était que le point de départ d’une approche scientifique était la formulation d’hypothèses à partir d’un concept, qu’une démonstration venait étayer ou invalider.

Eratosthène, au 3e siècle avant notre ère, fait la preuve par un dispositif expérimental physico-mathématique, de la rotondité de la terre avec un calcul de la valeur du rayon terrestre et de la circonférence du globe très proche de la réalité que l’on mesure aujourd’hui (39 375 km calculé pour les 40 075 km mesurés de nos jours). L’hypothèse qui fonde son expérience est que le soleil est infiniment plus gros que la Terre et que si on le voit petit, c’est qu’il est vraiment très loin. Ses rayons nous arrivent donc parallèlement.

Schéma représentant l’observation conduite par Eratosthène. Le programme de math de 5ème (parallèles et sécante, propriété des angles) permettait aux élèves de comprendre que l’éclairage zénithal du fond du puits à Syène alors qu’une ombre se dessin…

Schéma représentant l’observation conduite par Eratosthène. Le programme de math de 5ème (parallèles et sécante, propriété des angles) permettait aux élèves de comprendre que l’éclairage zénithal du fond du puits à Syène alors qu’une ombre se dessine pour l’obélisque d’Alexandrie ne pouvait conduire qu’à la conclusion de la rotondité de la Terre.

Au début du 16e siècle Magellan en apporte une preuve expérimentale irréfutable : navigant toujours vers l’ouest, son équipage (Magellan meurt aux Philippines) revient à son point de départ. La démonstration est ici expérimentale. Dans les années 1960, les astronautes n’ont qu’à ouvrir les yeux pour voir la terre comme une boule dans l’espace. Mais évidemment il faut y aller…

La séquence d’une démarche scientifique passe donc par ces 3 phases : élaboration d’un concept, vérification expérimentale, visualisation des conclusions au moyen d’un appareillage toujours plus puissant et dédié spécifiquement (pour faire simple, de la longue vue au télescope spatial Hubble).

Antérieurement, Aristarque de Samos avait formulé l'hypothèse de l’héliocentrisme : la Terre tournant sur elle-même et se déplaçant sur un cercle centré sur le Soleil, le Soleil et les étoiles « fixes » étant immobiles (à cette époque les planètes visibles sont considérées comme des étoiles « mobiles »). Or, selon Archimède, la plupart des astronomes adhéraient au géocentrisme, soit la Terre immobile, centre autour de laquelle tout tourne. L'hypothèse héliocentrique d'Aristarque n'a pas grand succès et tombe assez rapidement dans l'oubli. Ses détracteurs lui reprochaient de mettre à mal la physique des 4 éléments et des 4 qualités d'Aristote.

Les 4 éléments retenus par Aristote sont ici croisés avec les 4 qualités organisées selon leur antagonisme. Une même qualité peut être partagée par 2 éléments voisins dans le schéma.

Les 4 éléments retenus par Aristote sont ici croisés avec les 4 qualités organisées selon leur antagonisme. Une même qualité peut être partagée par 2 éléments voisins dans le schéma.

On voit poindre ici un dogmatisme que l’on va retrouver dans les 3 religions monothéistes "du Livre" (« Aristoteles dixit » anticipant sur « Deus dixit », dont la dernière étape historique se fait via Mahomet), alors que dans le monde culturel grec, les hypothèses scientifiques et philosophiques les plus diverses (y compris l'athéisme !) pouvaient se donner libre cours, sans offusquer les dieux, qui avaient autre chose à faire que de se préoccuper des opinions humaines.

Si le choix de Pâris « à la plus belle » engendre une discorde entre Aphrodite, Athéna et Héra, ce sont les hommes qui en paient le prix dans la guerre de Troie…

Il va falloir plus d’un millénaire pour que les hommes se remettent à penser que Dieu a autre chose à faire que distribuer des bons points – et des mauvais aussi – ce qui laisse un doute sur la qualité de sa création, puisque par le Déluge il a déjà dû refaire sa copie. Mais ce doute est vite réprimé par le fait que les « voies du Seigneur sont impénétrables ». La soumission est donc la seule voie disponible pour l’humanité. Pourtant, une autre piste se dessine : si la création divine est parfaite, elle est définitive, et Dieu étant immortel se trouve hors du temps. Si l’homme est fait à son image, cette perfection doit pouvoir se reconnaître par l’activité intellectuelle examinant la Nature. L’observation, dénuée de préjugés (l’autorité des Maitres) doit permettre d’avancer dans la voie de l’identification de la perfection de la création divine.

A LA RECHERCHE D’UNE MESURE DU TEMPS.

Cette préoccupation se manifeste très tôt, laissant des traces dès le Néolithique au cours du 3e millénaire avant notre ère, l’observatoire astronomique mégalithique de Stonehenge en Angleterre commençant à être édifié à partir de –2800 tandis que le premier calendrier, reconnu comme tel, date des Sumériens qui dominent la Mésopotamie à partir de la fin du 4e millénaire avant notre ère.

Le repérage le plus simple est le jour qui forme l’unité de base de tout calendrier, marqué par la période entre 2 levers (ou 2 couchers) du soleil faisant alterner lumière et ombre. Les cycles de la Lune déterminent une durée intermédiaire, le mois tandis que le cycle du soleil détermine l’année.

Mais la détermination de ces durées n’est pas simple et c’est par une observation astronomique, précise et prolongée dans le temps, que nos ancêtres vont parvenir à des étalonnages de qualité pour enfermer le temps dans un cycle régulier ayant valeur officielle, permettant de déterminer la conduite de la vie quotidienne, d’organiser les manifestations rituelles spécifiques à la communauté et de garder en mémoire les évènements notables l’ayant affectée. Selon le phénomène astronomique que l’on privilégie, on rencontre dans le temps 3 grands types de calendriers.

Le calendrier lunaire est le plus commode à élaborer : les mois commencent à chaque nouvelle lune, ses quartiers déterminant une subdivision en semaines. Mais il a un énorme défaut : l’année lunaire est plus courte que l’année solaire ce qui entraine une dérive par rapport au rythme des saisons. Il est donc totalement inadapté à l’agriculture qui est devenue une activité essentielle pour les civilisations du Néolithique. D’où l’adoption très large d’un calendrier luni-solaire : les mois commencent à la nouvelle lune, mais pour éviter la dérive par rapport aux saisons, on ajoute épisodiquement un 13e mois. Le début de l’année nouvelle est donc fluctuant mais sur une période limitée à une lunaison. Bien adapté au cycle de la nature, le calendrier solaire peut s’étalonner de 3 façons (année sidérale : retour du soleil devant une étoile servant de point origine ; année vernale : rythmique des saisons entre solstices et équinoxes, ce qui a en outre la capacité à rendre compte de l’inégale durée du jour et de la nuit suivant les saisons ; année tropique : bouclage du tour complet de la terre autour du soleil) ce qui suppose une observation astronomique rigoureuse. Les Egyptiens, à partir du règne de Djoser (vers 2650 avant notre ère), adoptent ce type de calendrier, organisant l’année en 365 jours répartis en 12 mois de 30 jours chacun, 5 jours étant ajoutés en fin d’année, hors mois. L’avantage d’un tel calendrier respectant les saisons est évident pour l’agriculture mais déconnecte totalement la mesure du temps du cycle de la Lune. Le culte solaire d’Aton, divinité suprême, vers la fin du 2e millénaire avant notre ère n’est pas une fantaisie d’un pharaon “illuminé”…

Le disque solaire Aton tend la croix de vie à pharaon et à son épouse. (Musée du Caire -Trésor de Toutânkhamon, fils et successeur d'Akhenaton initiateur de la réforme religieuse du 14e siècle avant notre ère).

Le disque solaire Aton tend la croix de vie à pharaon et à son épouse. (Musée du Caire -Trésor de Toutânkhamon, fils et successeur d'Akhenaton initiateur de la réforme religieuse du 14e siècle avant notre ère).

Le temple d’Abou Simbel, creusé sur ordre de Ramsès II dans la falaise de la rive ouest du Nil (la rive des morts associée au soleil couchant), est orienté sur le point de lever du soleil à l’équinoxe.

Le temple d’Abou Simbel, creusé sur ordre de Ramsès II dans la falaise de la rive ouest du Nil (la rive des morts associée au soleil couchant), est orienté sur le point de lever du soleil à l’équinoxe.

La lumière solaire rasante pénètre alors jusqu’au fond du couloir du temple, illuminant 3 des 4 divinités, celle de Ptah, dieu funéraire des ténèbres, légèrement décalée par rapport à l’axe du couloir, restant toujours dans l’ombre.(NB = ma photo es…

La lumière solaire rasante pénètre alors jusqu’au fond du couloir du temple, illuminant 3 des 4 divinités, celle de Ptah, dieu funéraire des ténèbres, légèrement décalée par rapport à l’axe du couloir, restant toujours dans l’ombre.(NB = ma photo est prise au flash)

La mainmise romaine sur l’ensemble du bassin méditerranéen (“Mare nostrum”) pousse Jules César, sur les conseils de l'astronome grec Sosigène d’Alexandrie, à unifier le temps dans l’espace romanisé en faisant adopter en – 46 le “calendrier julien”. Il fixe la durée d'une année normale à 365 jours et tous les 4 ans un jour est ajouté pour rester calé au plus près de l’année solaire (année bissextile). Adopté progressivement par la chrétienté à partir du 6e siècle, mais recalé sur la naissance du Christ comme point origine et non plus sur la création de Rome, il se généralise à partir des Carolingiens et est toujours en vigueur dans les Eglise orthodoxes orientales. Ce calendrier à cependant un défaut qui se révèle sur le long terme : l’année julienne est plus longue d’environ 11 minutes que l’année tropique. La fête de Pâques se trouvant progressivement décalée, le concile de Trente, organisateur de la Contre Réforme catholique demande au pape Grégoire XIII de réviser le calendrier pour rester en phase avec le rythme des saisons. 10 jours sont immédiatement supprimés dans le nouveau calendrier et le régime des années bissextiles est modifié : seules les années séculaires dont le millésime est divisible par 400 restent bissextiles.

C’est actuellement le calendrier avec lequel nous mesurons le temps et son usage s’est progressivement imposé partout dans le monde : après 1700 dans les pays protestants et surtout au cours du 19e siècle avec l’expansion coloniale européenne. Au point qu’aujourd’hui on a de plus en plus tendance à parler d’ère commune (EC) et non d’ère chrétienne (ap. J-C.). Cependant un certain nombre de pays conservent parallèlement un calendrier liturgique (judaïsme, bouddhisme, islam etc.) ou politique (année de règne de l’empereur au Japon par exemple) spécifique. Le cas de celui de l’islam mérite cependant qu’on s’y arrête, car il est à mes yeux un des lieux de la disjonction avec « la raison scientifique ».

LE CALENDRIER ISLAMIQUE

Il s’agit d’un calendrier strictement lunaire pour lequel l’année synodique est plus courte que l’année solaire, d’environ 11 jours.

Depuis des millénaires, les astronomes avaient remarqué que deux lunaisons successives n'avaient pas la même durée. Par convention, ils ont fait alterner des mois de 30 jours et des mois de 29 jours ce qui permettait de faire correspondre la durée de révolution synodique de la Lune sur deux mois consécutifs à un nombre de jours entiers (59), laissant à peine un petit écart mensuel de 44 min environ. Pour le compenser, on ajoutait 1 jour tous les 3 ans pour rester en phase avec le cycle lunaire. Mais le décrochage avec le cycle solaire rend ce calendrier totalement impropre à la gestion de l’agriculture, tributaire des saisons. Pour des peuples du désert, pasteurs nomades ou pour les sédentaires des oasis – c’est l’abondance de l’eau qui y détermine la production végétale avec des possibilités de plusieurs récoltes par an selon les plantes – cet inconvénient reste mineur. Cependant, dans l’Arabie préislamique, les bédouins, tout en utilisant un calendrier lunaire de 12 mois, avaient pris l’habitude, depuis le 4e siècle d’ajouter un 13e mois, mobile dans l’année, sur le modèle de la pratique hébraïque.

Il faut se souvenir ici que le monothéisme est très présent dans la péninsule dès le début de notre ère. Jusque vers 300 après J-C., l'Arabie méridionale compte de nombreux royaumes et principautés de taille très variable, pratiquant un polythéisme où le culte des pierres – bétyles – est important. Cependant, on observe une certaine unité culturelle : partout l'écriture est la même, tout comme le répertoire iconographique, l'architecture ou les techniques. Et le monothéisme est dans l'air du temps. Par la conquête, Himyar unifie toute l'Arabie méridionale. Le choix du christianisme aurait présenté pour lui l'inconvénient d’un assujettissement à Byzance. Aussi la dynastie himyarite fait le choix du judaïsme, et se convertit, menant le combat contre le royaume de Saba qui entend s’affirmer sur les 2 rives de la Mer Rouge, depuis son centre éthiopien. Conséquence de cette unification politique himyarite, le calendrier hébraïque est de plus en plus partagé. Outre ce royaume, de nombreuses communautés juives sont aussi bien implantées dans le Hedjaz.

Pour s’imposer, Mahomet va devoir marquer sa différence avec ces monothéismes, juif et chrétien, dont il récupère une grande partie des messages (le Coran en tisse un patchwork hétéroclite dans une écriture remaniée au moins sur quelques décennies). L’exemple le plus banal est celui du jour où Dieu se repose après sa création. Les juifs ont retenu le samedi qui commence au coucher du soleil du vendredi. Les chrétiens retiennent le dimanche. Mahomet fixe donc le jour de la grande prière au vendredi. Et pour le calendrier, la seule façon de se démarquer du judaïsme est de rompre avec le calendrier luni-solaire, en particulier avec la pratique de l’ajout d’un mois supplémentaire qui permettait de suivre à peu près le cycle solaire.

Mahomet proclame que « Le nombre des mois est de douze devant Dieu, tel il est dans le Livre de Dieu, depuis le jour où il créa les cieux et la terre. Quatre de ces mois sont sacrés ; c’est la croyance constante. » (Coran 9,36). Le calendrier de l’islam, adopté après la reconquête de La Mecque par Mahomet est donc strictement lunaire, son point origine étant le premier jour de l’Hégire : le départ de Mahomet, en butte à l’hostilité de plus en plus forte des Mecquois, en exil à Yathrib (qui devient alors Médine, « la ville ») en 622 EC.

RELIGION, ASTRONOMIE ET RAISON

Ce choix pose donc 2 problèmes pour la pratique religieuse propre à l'islam. Comment opérer pour déterminer précisément la période du ramadan et pour déterminer la direction de La Mecque vers laquelle doit se tourner le croyant pour prier ?

C'est l'observation à l'œil nu de la nouvelle lune qui signale le début de chaque mois. Tant qu’on reste dans le désert de la péninsule arabique, sauf élément météorologique empêchant l’examen du ciel (brume, nuages, vent de sable) ce calendrier peut fonctionner. Mais dès que la conquête dilate l’espace de l’empire des rives atlantiques à la plaine indo-gangétique, et de la mer d’Aral au lac Tchad cette observation ne peut pas se passer le même jour et à la même heure. Ainsi pour l’année 2005 EC, la rupture du jeune à la fin du ramadan selon les pays s’échelonnait du 2 au 5 novembre (1er chawwal 1426 dans le calendrier hégirien).

Le second problème est la détermination de la “qibla” – direction de La Mecque – qui doit s’inscrire dans l’architecture de la mosquée par la niche du “mihrab”. La détermination de la latitude et de la longitude du lieu peut seule permettre de définir cette direction. Si la détermination de la latitude est relativement précise par l’observation des astres, la longitude ne peut être qu’approchée par une estimation de la distance au lieu origine.

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Quelques exemples de mihrab indiquant la direction de La Mecque pour la prière. De gauche à droite et de haut en bas : mosquée du Barbier (KAIROUAN) mosquée des Omeyades (DAMAS) grande mosquée (CORDOUE) mosquée du Cheik (ISPAHAN)

Les Arabes, par leur conquêtes, sont confrontés aux connaissances accumulées antérieurement en Inde (numération indienne qui incorpore le zéro - pour nous les “chiffres arabes” ) en Perse, dans l’empire grec Byzantin (gardien de l’héritage grec classique) qu’ils vont récupérer et diffuser à travers tout l’espace de l’empire Abbasside par leurs traductions et en enrichissant le savoir humain de leurs propres développements. L’observation astronomique est un des corpus le plus imposant. Aussi tout un courant, au sein de l’islam, souhaite déterminer les dates repères du calendrier par l’observation et le calcul astronomique afin d’unifier et de synchroniser la pratiquer rituelle dans le monde musulman.

Ibn Rushd - latinisé en Averroès - donne l’exemple d’une observation qui ne correspond pas à la réalité : selon notre vision, le soleil est bien plus petit que la Terre. Mais les données de la connaissance astronomique et des méthodes de calcul associées permettent d’établir une vérité scientifique : le soleil est bien plus grand que la Terre, ce qui va à l’encontre de l’opinion commune de la foule piégée dans sa vision immédiate.

Averroès cherche à donner un statut et un rôle très précis à la philosophie d'inspiration grecque, aux côtés de l'islam. Commentateur minutieux de l’œuvre d’Aristote, il influence si profondément les penseurs médiévaux que Thomas d’Aquin consacre une partie de son œuvre à réfuter la lecture qu’il en fait et les développements qu’il lui donne.

Exaltant dans son œuvre l'autorité de l'Église et la doctrine des dominicains, Thomas d’Aquin de sa cathèdre, dénonce les erreurs doctrinales d’Arius (g.) d’Averroès (centre) et de Sabellius (d.), écrasés à ses pieds (détail de la fresque de Bonaiut…

Exaltant dans son œuvre l'autorité de l'Église et la doctrine des dominicains, Thomas d’Aquin de sa cathèdre, dénonce les erreurs doctrinales d’Arius (g.) d’Averroès (centre) et de Sabellius (d.), écrasés à ses pieds (détail de la fresque de Bonaiuti, salle capitulaire de Santa Maria Novella ; FLORENCE –1367)

Mais 3 siècles plus tard Raphaël insère sa figure parmi les grands représentants de la philosophie antique, dans l’immense fresque « L’Ecole d’Athènes » qui décore la bibliothèque privée du pape Jules II dans les appartements pontificaux du Vatican. Mais au sein de l’islam, son œuvre est assimilée au courant mutazilite qui rejette l'anthropomorphisme divin, réfute l'aspect incréé du Coran et met en avant le libre arbitre et l'usage des outils rationnels de la philosophie. Cette doctrine est légitimée au sein du califat abbasside par le calife perse Al-Mamun est reste dominante au long des 9e et 10e siècles. Ce courant est violemment combattu par les littéralistes qui soutiennent le caractère incréé du Coran, parole révélée auto-suffisante, et qui dénoncent comme impie le fait d’interpréter le Coran à l’aide des outils logiques et métaphysiques des Grecs polythéistes. Il décline à partir du 11e siècle avant de disparaître complètement au siècle suivant, siècle d’Averroès.

Seule la dynastie chiite des Fatimides, en Égypte, va utiliser un calendrier fondé sur le calcul, entre les 10e et 12e siècles.

Fresque de « L’ECOLE D’ATHENES » de Raphaël réalisée entre 1508 et 1512 pour Jules II.

Fresque de « L’ECOLE D’ATHENES » de Raphaël réalisée entre 1508 et 1512 pour Jules II.

Averroès y figure à gauche, près d’un socle de colonne et identifiable à son turban (Cf. détail).

Averroès y figure à gauche, près d’un socle de colonne et identifiable à son turban (Cf. détail).

LE DECROCHAGE

Hors cette parenthèse fatimide, les oulémas du monde sunnite s’obstinent et estiment qu'il est illicite de recourir au calcul pour déterminer le début des mois lunaires et en dénonce l’hérésie. Puisque Mahomet a recommandé la procédure d'observation visuelle, et que c’est proclamé dans le Coran, il convient de s’y tenir fermement. Ce qui fait l’impasse sur le fait que Mahomet, partageant sa vie entre La Mecque et Médine, ne pouvait imaginer les problèmes que cela poserait dans l’immense empire contrôlé par ses successeurs 3 siècles plus tard.

UN DETOUR PAR AL ANDALUS

L’histoire d’Al Andalus met à mal la version “bisounours” de la cohabitation des musulmans, chrétiens et juifs. Par un anachronisme fréquent dans les publications de vulgarisation, on glisse du cultuel au culturel, du dogmatisme religieux fondamental à la vision présente du « vivre ensemble », alors que le pouvoir cherche avant tout à limiter les conflictualités interreligieuses afin de préserver ses ressources fiscales.

Al-Andalus émerge d'abord comme refuge des Omeyades, traqués et chassés de Damas par la dynastie Abbasside qui déplace sa capitale à Bagdad. Au 9e siècle le sud de l’Espagne devient un foyer de haute culture au sein de l'Europe médiévale, attirant un grand nombre de savants. Mais il ne faut jamais perdre de vue son ancrage musulman : le religieux est la norme et l’horizon des sociétés médiévales est le respect du dogme, ce qui limite drastiquement la possibilité de faire société avec d’autres.

A partir de 976 une crise de succession au sein de la dynastie omeyade débouche sur la prise du pouvoir par Amir Al Mansur – occidentalisé en Almanzor – qui entreprend une offensive contre les royaumes chrétiens du nord : Barcelone est mise à sac en 985 et Saint Jacques de Compostelle en 997. C’est la fin du statu quo religieux entre le califat et le monde chrétien. Plus attentif à l'orthodoxie religieuse que ses prédécesseurs, il fait brûler les livres d'astronomie sources de controverses. La fin de son règne ouvre une période de véritable guerre civile faisant éclater Al Andalus en plus d’une dizaine de Taïfas dont certains sont aisément conquis par les chrétiens.

Face à cet affaiblissement de l’islam, une dynastie berbère marocaine, les Almoravides débarquent en Espagne en 1085 pour réunifier Al-Andalus (notons que c’est une décennie avant que le pape ne prêche pour lancer la 1ère croisade, qui amorce la montée en puissance de l’Occident chrétien). Mais ils transforment la base politique urbaine du califat en un pouvoir théocratique tribal. En 1121, ils sont chassés du pouvoir par une autre dynastie berbère marocaine, plus intégriste encore. Les Almohades vont brutalement changer les conditions du travail intellectuel : les universités rejettent les connaissances de la Grèce et la Rome antique ainsi que l'enseignement de philosophes comme Averroès dont les Almohades font brûler les œuvres en place publique, après avoir interdit la philosophie et le recours à la raison. Les dhimmis (“gens du livre” juifs et chrétiens) sont poussés à la conversion à l’islam ou à l’exil, beaucoup étant tués en route.

Affaiblis par sa défaite à la bataille de Las Navas de Tolosa, la dynastie s’effondre en 1269. Les croisades en Orient achèvent de consommer la rupture entre le monde musulman,désormais enkysté dans ses dogmes et un Occident qui, après la chute de Byzance conquise par les Ottomans, accèdent sans intermédiations aux sources grecques, prélude à la Renaissance et à la reformulation des conceptions du temps et de l’univers.

Le traitement subi par Averroès eut un effet catastrophique sur le monde arabo-musulman : « il perdit dès lors tout contact avec le progrès scientifique » selon l’historien de la philosophie médiévale et philosophe Kurt Flasch (1930-) spécialiste allemand d'Averroès. Sa pensée et ses travaux ne sont redécouverts qu’au cours du 19e siècle, lorsque dans les pays arabophones une partie de l’opinion, confrontée à l’expansion coloniale de l’Occident, remet en question sa propre arriération historique et l'obscurantisme dans lequel elle s’est enferrée depuis des siècles. Une double tension déchire alors l’islam au 20e siècle. Un courant voit l’islam bafoué et menacé dans son intégrité, d’autant que sur les décombres de l’Empire a été fondée la République turque, premier État laïque dans le monde musulman. L’autre voit dans le nationalisme et l’émergence des nouveaux États issus du dépeçage des empires, une porte d’entrée salutaire dans la modernité. Ces mouvements nationalistes ont une matrice historique qui appartient aux « partisans des Lumières » modernes chez les musulmans réformateurs. À l’inverse, l’islamisme procéde généalogiquement des « anti-Lumières », revivifiant les interdits médiévaux contre la raison critique. Sans pour autant renoncer aux divers appareils issus de la modernité scientifique : hauts parleurs et appels à la prière enregistrés en lieu et place de muezzin…

Pourtant, malgré l’opposition virulente des oulémas et d’un intégrisme de plus en plus prégnant, la pratique de l’astronomie d'observation reste soutenue dans la tradition musulmane. Mais elle manque des cadres conceptuels qui lui permettraient de progresser vers une compréhension de l’univers. Ainsi, le mathématicien persan Al Biruni (10e siècle) connait le modèle héliocentrique d’Aristarque de Samos. Mais il hésite à explorer les conséquences du modèle, et finit par considérer l’héliocentrisme comme un problème philosophique et non comme une piste pour interpréter ses observations du ciel.

Oulough Beg, petit-fils de Tamerlan, prince de Samarcande (1394-1449) fait construire à partir de 1428, un gigantesque observatoire astronomique. Dirigeant une équipe d’une soixantaine de savants, il réalise des observations d’une précision inconnue à ce jour, identifiant plus d’un millier d’étoiles nouvelles. Le résultat des observations est compilé dans LES TABLES SULTANIENNES. Oulough Beg est cependant en butte à l’hostilité des religieux car il accorde plus de poids à l'observation qu'au témoignage d'Aristote. Cette attitude de doute – car s’il doute de l’autorité d’Aristote, pourquoi ne douterait-il pas aussi de l’autorité des religieux ? – en fait de plus en plus une cible des intégristes. En 1449, au centre des luttes de succession ouvertes par la mort de son père, il est assassiné par son fils, chef de file des dévots qui détruisent son observatoire. Ses restes enterrés ne sont découverts qu'en 1908 par des archéologues russes. En 1970, un musée est créé sur le site en l'honneur d'Oulough Beg.

Portrait “de fantaisie” d’Oulough Beg dans le musée associé à la ruine du sextant géant.

Portrait “de fantaisie” d’Oulough Beg dans le musée associé à la ruine du sextant géant.

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La maquette en écorché de l’observatoire montre la position du sextant de 40 m de rayon partiellement édifié en sous-sol. Le chariot permettait à l’observateur de se déplacer sur le sextant pour se focaliser sur une étoile déterminée dans le ciel. Au fronton du bâtiment, on repère l’orifice par où la lumière de l’astre pouvait parvenir sur le sextant. Exhumée, la partie basse graduée du sextant montre les 2 quadrants gradués séparés d’un intervalle de 0,698 mètre. L’image des astres passant au méridien se déplaçait d’un mur à l’autre en 4 minutes de temps, ce qui permettait à l’instrument de fonctionner aussi comme une horloge.

Trois siècles plus tard, le maharadjah Jai Singh II fait édifier à Jaïpur, sa capitale, un fantastique observatoire astronomique, entre 1727 et 1733, le Yantra Mandir. Il comporte 17 instruments, certains de taille imposante, ce qui permet d’obtenir une précision accrue des observations. Son cadran solaire de 27 mètres de haut, permet d’obtenir, aux équinoxes, une mesure de l’heure atteignant une précision d’une demi seconde ! Mais cet observatoire continue à être utilisé dans le cadre du géocentrisme et avec une finalité astrologique plus qu’astronomique. Le pandit Jaganath, gourou de Jai Sing II et responsable de l’observatoire, n’a pour but que d’établir les thèmes astraux des détenteurs du pouvoir et de déterminer les moments les plus propices pour les grands événements des règnes (mariages, déplacements, diplomatie…).

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Cadran solaire géant du Yantra Mandir. La rampe centrale est édifiée dans l’axe zénithal du soleil. Elle permet de mesurer la hauteur du soleil au dessus de l’horizon selon les saisons. L’heure est indiquée par son ombre et se lit de part et d’autre sur les dalles de marbre graduées, le matin sur la droite de l’arc de cercle et l’après midi sur la gauche. J’ai donc pris ma photo(détail) juste après le passage du soleil au zénith (midi vrai du lieu)

POUR CONCLURE

Or, depuis le 16e siècle en Occident, le modèle héliocentrique de Copernic s’est répandu. Malgré l’hérésie qu’il représente du point de vue littéral de la Bible, le pape Clément VII fait appel à lui pour la réforme du calendrier julien, finalisé sous le pontificat de Grégoire XIII en 1582. CE CALENDRIER SOLAIRE “GREGORIEN” EST ACTUELLEMENT CELUI QUI EST GENERALISE DANS LE MONDE ASSOCIE A LA NOTION D’ERE COMMUNE.

Ce modèle héliocentrique est amélioré au début du 17e siècle avec les travaux de Kepler qui résolvent les anomalies découlant du postulat d’orbites circulaires encore à la base du système copernicien. Car le cercle était associé à la perfection divine.

Là je ne résiste pas à vous livrer un blasphème” inspiré par mon athéisme fondamental : n’aurait-on jamais remarqué depuis des siècle et des siècles qu’une chèvre liée à un piquet par une corde peut dessiner un cercle ?

Par le calcul, en particulier à partir des observations de Tycho Brahe, il détermine la forme elliptique de l’orbite des planètes qui gravitent autour du soleil et énonce les lois qui régissent leurs mouvements sur leur orbite, avancées qui vont être exploitées par Newton pour élaborer la théorie de la gravitation universelle.

Galilée, qui a perfectionné la longue-vue (mise au point par l'opticien hollandais Lippershey) pour obtenir un grossissement x 30, découvre les satellites de Jupiter, ce qui l’amène à généraliser le modèle du système solaire comme modèle d’organisation de l’univers. La réaction religieuse qui s’affirme avec la Contre-Réforme entraine sa condamnation par l’Eglise et la mise à l’index de ses œuvres. En 1990 encore Benoit XVI jugeait la position de l'Église d'alors plus rationnelle que celle de Galilée ! Mais à l’occasion du 400e anniversaire de sa découverte des satellites jupitériens, l'année 2009 a été déclarée « Année Mondiale de l'Astronomie ».

L’émancipation de la science par rapport à la religion est lancée. Ce ne sera pas “un long fleuve tranquille”. La violence des combats d’arrière-garde menés par les églises – contre Buffon à la fin du 18e siècle (sur la mesure de l’âge de la Terre), contre Darwin au 19e siècle (sur l’évolution des espèces) parmi bien d’autres – en atteste. Conquête des “Lumières”, le temps de la science est désormais autonome, au grand dam des religions.

De toutes les religions.

Faut vous dire, Monsieur

Que chez ces gens-là

On n'pense pas, Monsieur

On n'pense pas

On prie

(Les Flamandes - JACQUES BREL)



Jean Barrot