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APRES LA COP DE SHARM EL SHEIKH EN EGYPTE

PETITES CHRONIQUES DE CONFÉRENCIERS

APRES LA COP DE SHARM EL SHEIKH EN EGYPTE

Connaissance & Partage

APRES LA COP DE SHARM EL SHEIKH EN EGYPTE

Dès l’Antiquité, l’ancienneté et la permanence de l’Egypte paraissait une énigme pour la culture grecque, éparpillée en cités de part et d’autre de la mer Egée et à peine âgée de quelques siècles. Dès le 5e siècle av. J-C., Hérodote pointait le rôle décisif du fleuve dans l’élaboration de cette civilisation plurimillénaire, en qualifiant l’Egypte de « Don du Nil ».

L’aridification progressive du Sahara il y a 6 millénaires a poussé une partie de ses populations à se concentrer dans la vallée bien alimentée en eau tout au long de l’année. Les crues du Nil, déposant un limon fertile tout au long de la vallée et assurant la croissance du delta, garantissait des récoltes abondantes aux populations riveraines. Mais ce « don du Nil » à combien de personnes était-il offert ? La réponse la plus prudente est « à quelques millions de personnes », autour de 6 à 7 millions selon les sources qui osent affronter la question... Or aujourd’hui la population de l’Egypte approche 105 millions d’habitants. Une conclusion cynique s’impose d’emblée : il n’y en aura pas pour tout le monde ! Et ce, avant même d’examiner la question du changement climatique.

Mais puisque COP il y avait, jouons le jeu.

LE NIL, MAITRE DU JEU

Considéré comme un des plus longs fleuves de la planète, il est la convergence de plusieurs rivières dont on a privilégié deux branches le Nil Blanc à l’ouest et le Nil Bleu à l’est qui confluent à Khartoum au Soudan donnant le Nil stricto sensu.

La capacité du fleuve à franchir quelques milliers de kilomètres à travers un des déserts les plus aride du monde résulte de l’abondance de l’alimentation en eau de son haut bassin. Mais sa composition précise est restée largement ignorée jusqu’au 19e siècle, l’amont étant protégée par la vaste zone de marécage du Sudd que parcours le Nil Blanc et par les gorges parmi les plus étroites et profondes du monde pour le Nil Bleu.

Les Etats riverains du Nil et les précipitations annuelles qui alimentent son cours


Si des discussions existent encore pour déterminer précisément où sont située les sources du Nil – ce point mythique où jaillit la première eau – la totalité du bassin amont se situe dans la zone équatoriale de l’Afrique de l’est dont les précipitations abondantes l’alimentent. 

Le réservoir principal d’alimentation du Nil Blanc est le lac Victoria, situé à 1100 m d’altitude et à cheval sur l’équateur. Les précipitations y sont soutenues tout au long de l’année (1265mm). Il est en outre alimenté par toutes les rivières de son bassin versant (dont l’une est censée être la partie la plus amont du Nil) à cheval sur plusieurs pays (Kenya, Tanzanie, Ouganda, Burundi, Rwanda). Il se déverse dans le lac Albert, dans l’axe du rift occidental, et à la sortie de ce lac, l’exutoire entame son parcours en tant que Nil Blanc. Son débit est régulier tout au long de l’année autour de 1100 m3/s. Une partie de cette eau se perd par évaporation dans les marais du Sudd, Bahr el Ghazal, au Sud Soudan mais le débit remonte en recevant les apports du Sobat. Le débit est alors maximum en mars (plus de 1200 m3/s et minimal en août à 600 m3/s) Le Nil Blanc contribue approximativement à 30 % du débit annuel du Nil. Cependant, pendant la saison sèche de la zone tropicale (de janvier à juin), le Nil Blanc contribue à hauteur de 70 % au moins au débit du Nil à partir de Khartoum.

Le réservoir principal d’alimentation du Nil Bleu est le lac Tana au cœur du haut plateau abyssin, à plus de 1800 m d’altitude, encadré de sommets qui approche les 3000 m. Les précipitations y sont donc particulièrement intenses de juin à septembre en raison de la remontée en latitude de la zone de convergence intertropicale. Le débit du Nil Bleu dépasse souvent les 5600 m3/s fin août. C’est le principal pourvoyeur des crues du Nil à partir de Khartoum.

Son apport est aussi renforcé par celui de l’Atbara qui prend lui aussi sa source à proximité du lac Tana et qui rejoint le Nil à 250 km en aval de Khartoum. En août, au maximum de sa crue, le débit de l’Atbara peut atteindre 5000 m3/s contribuant alors à environ 25 % du débit total du Nil. Mais en fin d’hiver, il peut être parfois totalement à sec… Ces deux cours d'eau sont responsables des crues annuelles du Nil (90 % du volume d’eau et 96 % des sédiments transportés) qui ont contribuées à la fertilité de la vallée du Nil jusqu’au 19e siècle.

Ces données moyennes sont cependant susceptibles de variations notables sur des périodes plus ou moins longues. Une des mieux documentée est ce que l’on nomme « l’évènement climatique de 4200 BP (before présent) ». Une période de plusieurs décennies au moins de sècheresse accentuée dans le bassin amont entraine une baisse de l’importance des crues du fleuve. Les récoltes sont insuffisantes, des famines s’enchainent et le Premier Empire pharaonique s’effondre, connaissant une période de troubles 2 siècles durant.

CONTROLER LE NIL POUR MIEUX GERER L’EAU

A la fin du 19e siècle l’impérialisme colonial européen prend son essor. Les Britanniques ont désormais la pleine maitrise de l’Inde, « joyaux de l’Empire ». Le contrôle total du canal de Suez est désormais décisif pour eux. Ce qui passe par la maitrise de l’Egypte. Leur armée s’y installe à partir de 1882 et sans en faire formellement une colonie, ils en éliminent le pouvoir turc ottoman. Mais pour l’économie britannique, le pays a aussi un intérêt : il produit du coton dont les industries anglaises sont affamées. Pour augmenter la production de coton égyptien, bien meilleur que l’indien, comme alternative aux importations du coton américain, il faut développer l’irrigation. L’accroissement de la population du pays impose dans le même temps d’augmenter la production vivrière. La construction d’un barrage parait la solution idéale. Sa construction à Assouan, à hauteur de la première des cataractes qui segmentent le cours du Nil vers l’amont, est achevée en 1902. Son réservoir régulateur des crues doit permettre 3 récoltes par an en augmentant considérablement la capacité d’irrigation de la vallée et du delta. Long de 2,5 km, il est rehaussé et épaissi à deux reprises, entre 1907-1912, puis entre 1929-1933, submergeant alors la région de la Basse-Nubie sur 295 km2.

A partir de 1946 l’idée d’un nouveau barrage plus important est lancée. Ce projet devait obtenir un financement américain mais la fin de la tutelle britannique en 1954 et le panarabisme militant de Nasser rend cette option caduque. La retenue du barrage envisagé doit noyer plus de 5.000 km2, en partie sur le territoire du Soudan qui retrouve sa pleine indépendance en 1956. Le panarabisme et l’islam favorisent un rapprochement entre les deux états pour résoudre le problème posé par le déplacement nécessaire des populations nubiennes. Comme Nasser est aussi conscient du patrimoine archéologique qui va être noyé, il entame une coopération avec l’UNESCO pour inventorier ce patrimoine et à partir de 1960 le sauvetage d’Abou Simbel devient une grande manifestation de coopération internationale qui amorce le concept de « Patrimoine de l’Humanité de l’UNESCO ». Pour financer la réalisation du barrage, Nasser décide de nationaliser le canal de Suez, et accepte une proposition de soutien financier et technologique de la part de l’URSS. Les travaux commencent en 1960 et la mise en eau du réservoir débute en 1964.

Ce n’est qu’en 1971, trois mois après la mort de Nasser, que le grand barrage est définitivement achevé. Son réservoir, le lac Nasser, peut retenir plus de 160 milliards de m3 d'eau par an et les douze turbines installées dans le corps du barrage produisent 10 milliards de kwh d'électricité. Le vieux barrage n’est pas abandonné pour autant : il sert à la production d’électricité et participe à la régulation du lac Nasser lors des périodes de fortes crues.

Au 21e siècle s’amorce une nouvelle étape d’équipement du fleuve. En 2002, le Soudan passe un accord avec la Chine pour la construction d’un grand barrage hydroélectrique à Merowe avec le soutien financier des Etats de la péninsule arabique. Le barrage long de 9 km et de 67 m de haut, forme un lac de retenue de 700 km2 environ pour un volume de stockage de 12,5 milliards de m³ d’eau, ce qui correspond à environ 20% du débit annuel du fleuve. Entré en service en 2009, sa puissance installée est de 1.250 MegaW. Il devient alors le deuxième plus grand barrage sur le Nil après celui d'Assouan.

Mais c’est surtout l’Ethiopie, elle aussi en proie à une croissance démographique incontrôlée qui lui fait atteindre 118 millions d’habitants (contre 9 en 1900) qui se lance dans une politique d’équipement du haut bassin du Nil. Les premiers investissements sont réalisés sur le Baro, un affluent du Sobat avec le soutien financier et technologique de l’Inde qui se voit attribuée ½ million d’hectare pour des cultures commerciales. Le second aménagement concerne le Tékezé, principal affluent de l’Atbara dont j’ai rappelé la violence des crues. Barrage voûte haut de 185 m, son lac de retenue a une superficie de 105 km² et une capacité de 9,3 milliards m³. Cette opération a été menée en coopération technique et financière avec la Chine, ce qui lui a valu le surnom de « barrage des Trois Gorges éthiopien ». Associé à une centrale hydroélectrique de 300 MegaW de puissance installée il est opérationnel depuis 2009. Le troisième équipement, en cours de réalisation sur le Nil Bleu est le barrage GERD-« Renaissance ». L’ouvrage est gigantesque : haut de 175 m pour 1,8 km de long, il doit disposer d’une puissance installée de 5.150 MegaW, ce qui doit en faire à terme le plus grand barrage hydroélectrique d’Afrique disposant d’une puissance 2,5 fois celle du haut barrage d’Assouan. Le lac-réservoir couvrira 1.680 km2, un peu moins du double du lac Tana, noyant plus de 1.350 km2 de forêts et constituant une retenue de 67 milliards de m3 d’eau, dont une partie est destinée à développer une agriculture irriguée, quasi inexistante actuellement dans le pays. L’hostilité de l’Egypte et du Soudan a découragé les bailleurs de fonds internationaux de s’investir sur ce projet. L’Ethiopie en a donc assuré seule le financement, tous les citoyens et la diaspora ayant été mis à contribution financière. Les travaux débutent en 2011 et désormais ce barrage est bien plus qu’un équipement technique, il exprime la volonté nationale de développement de de tout un peuple. La production électrique a débuté cet été 2022 et le réservoir est déjà rempli à 1/3 de sa capacité. Comme la production électrique va dépasser de beaucoup les besoins (d’autre équipements très puissants existent sur l’Omo), le gouvernement chinois s'est engagé en 2018 à financer pour 1,8 milliard de dollars l'amélioration du réseau de transmission électrique entre l’Éthiopie et Djibouti après avoir modernisé la liaison ferroviaire entre Djibouti (qui abrite désormais une base militaire maritime chinoise) et Addis Abeba

PARTAGER L’EAU ENTRE AMONT ET AVAL : UN LITIGE GEOPOLITIQUE DANGEREUX.

Avant même la première guerre mondiale les Britanniques, pour le compte de l’Egypte, et l’Italie, s’arrogeant tutrice de l’Ethiopie malgré sa défaite d’Adoua (1896), ont conclu un accord interdisant à l’Ethiopie de construire des barrages « entravant le cours de l’eau dans le fleuve ». Mais un pas décisif pour la gestion de l’eau du Nil est imposé en 1929 par les Britanniques, au moment où les travaux de renforcement du vieux barrage d’Assouan sont lancés. Maitres de l’Egypte et du Soudan, ils confèrent un « droit naturel et historique » à l’Egypte sur les eaux du Nil. La convention attribue 48 milliards de m3 au pays et seulement 4 milliards de m3 au Soudan qui peut se voir imposé un veto à ses propres projets d’aménagement du fleuve. Le Rwanda-Urundi, colonie allemande attribuée à la Belgique après 1919 se voit impliqué dans l’accord Belgo Anglais de 1906, lui imposant les mêmes contraintes qu’à l’Ethiopie en matière d’intervention sur l’écoulement des eaux du Nil Blanc.

Après 1945, la décolonisation et l’indépendance des Etats qui naissent modifient profondément la donne, rendant théoriquement caduque l’accord de 1929.

Une première étape intervient en 1959. Un accord entre l’Egypte et le Soudan révise les quotes-parts pour les eaux du Nil (55,5 milliards de m3 à l’Égypte et 18,5 au Soudan) et entérine les créations du haut barrage égyptien d’Assouan et celui, plus modeste, de Roseires au Soudan. Par ce traité bilatéral, le Soudan et l’Égypte s’arrogent l’ensemble des eaux du fleuve puisque leur quote-part respective est fondée sur une utilisation nulle des eaux du Nil par les Etats d’amont, ce que dénonce d’emblée l’Ethiopie et, à partir des années 1960, les Etats nilotiques nés du retrait colonial britannique et belge.

En 2010 face au blocage égyptien sur les volumes, 5 décennies durant, et sa demande d’un droit de veto sur tout projet d’irrigation des Etats d’amont, l’Éthiopie, l’Ouganda, le Rwanda et la Tanzanie, rejoints par le Kenya et le Burundi signent un accord de coopération sur le partage des eaux du fleuve. Le Sud-Soudan, désormais indépendant semble se rapprocher de plus en plus de la position de ces états.

Grâce notamment aux vastes investissements chinois en Afrique de l’est, ces pays disposent désormais des moyens financiers pour mener à bien leurs projets d’aménagements sur le Nil et n’hésitent plus à défier l’Égypte qui se retrouve isolée au plan diplomatique.

En 2015 sa demande d’intervention du Conseil de Sécurité de l’ONU de se saisir du dossier est rejetée. Une nouvelle démarche en 2021 de l’Egypte à laquelle se joint le Soudan, qui s’en est rapproché après le renversement d’Al Bachir, reçoit le même accueil. Un ancien membre du Comité de sécurité et de défense du Parlement égyptien, Mohamed Gaber, minimise cet échec, espérant cependant « que le Conseil de sécurité reconnaitra ce qui confirme les droits historiques de l’Égypte sur les eaux du Nil et annule l’accord de principes signé par Sissi parce que l’Éthiopie a violé ses principes et l’oblige à réduire le volume et la quantité de d’eau à 12 milliards de m3, ce qui est la quantité suffisante pour produire de l’électricité ». Et donc plus question d’irrigation en Ethiopie… Le Conseil a renvoyé les parties à une poursuite des négociations au sein de l’Union Africaine. Rien n’entrave donc l’achèvement du grand barrage GERD-« Renaissance » de l’Ethiopie. « Le projet dans son ensemble est désormais achevé à 83,3%, et ses travaux de génie civil à 95% », a indiqué durant la cérémonie de mise en service des 2 premières turbines cet été, Kifle Horo, chef de projet du GERD. « L'objectif des 2 prochaines années et demie (...) est d'achever totalement le barrage, de procéder à chaque étape du remplissage et d'installer les turbines restantes » afin que le GERD soit en mesure de produire à pleine capacité.

Mais dans le même temps les bruits de bottes se font insistants dans la région : la crise du Tigrée déstabilise le pouvoir d’Aby Ahmed en Ethiopie, augmente les tensions frontalières avec son voisin soudanais. Le Soudan reste sous tension, la population refusant l’usurpation du pouvoir par les militaires après la révolution de 2019. L’Egypte de plus en plus écrasée par le pouvoir absolu d’El Sissi et des militaires (du béton jusqu’à la volaille, l’économie nationale est de plus en plus dépendante de l’armée), doit gérer son intervention dans une Lybie fracturée et une relation tendue avec la Turquie, autre intervenante en Lybie. Venant concrétiser le risque d’un conflit ouvert dans la région, en mai 2021 les forces armées égyptiennes et soudanaises réalisent un exercice militaire conjoint, intitulé de manière très explicite « Gardiens du Nil », le 3eme depuis novembre 2020, dont la cible évidente est l’Ethiopie, bien que non nommée. Une note de recherche de l’Ecole Militaire de la France de juin 2021 récapitule la situation : « Trois scénarios se dessinent. Le premier, celui du remplissage unilatéral du bassin, fait courir le risque d’un conflit armé direct ou indirect entre l’Égypte et l’Éthiopie dans lequel, par le jeu complexe des alliances, seraient entraînés les pays voisins et les puissances internationales. Le second est celui du renoncement éthiopien à poursuivre le remplissage unilatéralement, ce qui paraît peu probable au vu des investissements réalisés et du rôle que joue le GERD-Renaissance dans la légitimation du régime. Le troisième est celui du statu quo, les acteurs en présence prenant acte des risques causés par une confrontation violente et collaborant au sein d’une nouvelle tentative de médiation. À l’image des dix dernières années, ce scénario ne ferait que remettre à une date ultérieure l’identification d’une solution définitive à l’impasse politique qu’est devenue le GERD-Renaissance ». Ce qui me parait l’hypothèse la plus probable : les calendes grecques n’ont pas été inventées pour rien…

ENTRE ECOLOGIE ET DEMOGRAPHIE : L’IMPASSE

L’édification de grands barrages sur le cours des fleuves a un impact bien connu que je veux récapituler rapidement. L’ennoyage d’importantes portions de vallée impose une expropriation et un déplacement de dizaines de milliers de riverains dont la réinstallation n’est pas toujours assurée par le pouvoir politique sur des terrains exploitables et avec des conditions d’indemnisation satisfaisantes. Le transit des alluvions est bloqué ce qui pour le Nil a deux effets : la fertilité des sols n’est plus assurée par les dépôts de crue et l’agriculture doit faire appel à des intrants chimiques ; le front du delta, privé d’alluvions, régresse face à la dynamique marine. La surface des retenues est affectée par une évaporation bien plus forte que sur le fil du fleuve. Cette évaporation restera probablement limitée en Ethiopie, vu sa position dans la zone équatoriale et son altitude, mais est très forte au Soudan et en Egypte, au cœur du Sahara. Les estimations les plus prudentes considèrent que pour les 2 barrages de Merowe et d’Assouan, 7 milliards de m3 sont évaporés, soit près de 10% des quotas revendiqués par le Soudan et l’Egypte en 1959 !

Les conséquences biologiques sont tout aussi redoutables et largement documentées : mutations des espèces pour s’adapter à une eau qui ne circule plus et s’échauffe, menace de bilharziose sur les rives des retenues, disparition des bancs de sardines au large du delta faute des nutriments apportés par les crues, etc.

En outre, la rapidité avec laquelle le Soudan a réalisé le barrage de Merowe sans concertation préalable (y compris avec les riverains) a entrainé un désastre archéologique pour la haute Nubie et le royaume de Koush, qui contraste fort avec l’élan international pour sauver l’héritage archéologique de l’Egypte.

Le réchauffement climatique en cours va aggraver tous ces phénomènes : déjà la montée des eaux de la Méditerranée accentue l’érosion du delta et le sel contamine ses nappes phréatiques. L’évaporation ne peut que s’accentuer pour l’Egypte et le Soudan, aggravée par les prélèvements d’irrigation en Ethiopie. Longtemps niés par le pays, ces prélèvements vont réduire fortement le volumes relaché : l’Ethiopie ne veut pas s’engager au-delà d’un volume libéré chaque année de 31 milliards de m3, bien loin des exigences égyptiennes qui avance sur une « nécessité existentielle » pour la survie du pays.

Mais réfléchissons : Si le Nil a suffi à la vie des populations jusqu’au milieu du 20e siècle, la mutation des modes de consommation et l’aspiration à la « modernité » couplées à l’explosion démographique des Etats nilotiques rendent dérisoire ces querelles de clocher. Qui vont s’envenimer : les prévisions démographiques à l’horizon 2050 tablent sur un doublement de la population des Etats nilotiques…

POUR NE PAS CONCLURE :

L’optimiste technocrate : « Grâce aux prélèvements sur les nappes fossiles du Sahara, la désalinisation de l’eau de mer, une irrigation vertueuse au goutte à goutte, il n’y a pas lieu de s’affoler ! »

L’autoritaire : « Les Chinois ont montré la voie : 1 enfant par femme et pour faire face à l’urgence, seulement pour celles qui ont plus de la trentaine. Sobriété spermato-ovulaire pour tous ! »

L’historien géographe : « Les migrations sont inévitables et de toutes façons si Homo Sapiens n’avait pas quitté l’Afrique nous ne serions pas là. Alors, comme au Néolithique, foin des frontières et vive le peuplement de la Sibérie et de l’Alaska »

Le cynique : « Faites la guerre et pas l’amour ! » avec la caution d’Apollinaire : « Ah ! Dieu que la guerre est jolie ! »

Le libertarien californien : « Accélérons nos travaux pour la conquête de Mars ».

(Pour patienter jusque-là, plongez-vous dans la lecture de Jean-Christophe Rufin « Le parfum d’Adam ».)

Et le grand-père effondré que je suis, d’avoir encore voiture et beaucoup voyagé en avion : « Je n'ai pas voulu ça » (l'Empereur Guillaume II - 9 Novembre 1918)

Si vous avez d’autres pistes…