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PETITES CHRONIQUES DE CONFÉRENCIERS

LE DERAISONNABLE DE L’ISLAM

Connaissance & Partage

Le temps, le temps

Le temps et rien d'autre

(CHARLES AZNAVOUR)

LE DERAISONNABLE DE L’ISLAM

Voilà près de 10 ans, en 2011, je commençais ma coopération avec Connaissance et Partage par une conférence sur l’islam et l’islamisme, interdite par la direction de la MJC André Malraux, qui l’avait initialement sollicitée. En 2012 débutait une série d’attentats meurtriers dans notre pays qui ont fait depuis plus de 300 victimes assassinés et quelques milliers de blessés, vivant avec des séquelles au moins psychologiques. La tension dans l’opinion contre l’islam, assimilé à l’islamisme, n’a depuis cessé de monter, créant une fracture de plus en plus inquiétante au sein de la société, en particulier chez les jeunes générations, porteuses de notre avenir commun : ce jeudi 05 novembre 2020, un sondage IFOP nous apprend que 57% des jeunes musulmans français considèrent la charia comme plus importante que les lois de la République.

Je souhaite donc étudier ici ce qui, au sein même de l’islam, dans le dogme comme dans l’héritage historique, a conduit à une telle rupture, générant au sein même de la « communauté des croyants » dans le monde des conflits d’une violence extrême dont les musulmans sont les premières victimes.

L’hypothèse de base de mon approche n’a rien d’originale : au moins à partir de la Renaissance, l’Occident s’engage dans la voie de la valorisation de la raison, y compris par l’examen exégétique des textes sacrés, alors que l’islam s’enferme dans la soumission à une parole censée venir directement de Dieu. Comme je n’ai aucune légitimité en exégèse, je vais aborder cette question du moment de la rupture à partir de la question de l’astronomie et de l’élaboration des calendriers.

A LA CLE : L’HERITAGE GREC.

Lorsque j’enseignais la géographie au collège, avec mon collègue de math, nous avons mené une expérience de réflexion commune entre les 2 disciplines. Un thème que nous avions retenu était la question de la sphéricité de la terre. Le schéma proposé était que le point de départ d’une approche scientifique était la formulation d’hypothèses à partir d’un concept, qu’une démonstration venait étayer ou invalider.

Eratosthène, au 3e siècle avant notre ère, fait la preuve par un dispositif expérimental physico-mathématique, de la rotondité de la terre avec un calcul de la valeur du rayon terrestre et de la circonférence du globe très proche de la réalité que l’on mesure aujourd’hui (39 375 km calculé pour les 40 075 km mesurés de nos jours). L’hypothèse qui fonde son expérience est que le soleil est infiniment plus gros que la Terre et que si on le voit petit, c’est qu’il est vraiment très loin. Ses rayons nous arrivent donc parallèlement.

Schéma représentant l’observation conduite par Eratosthène. Le programme de math de 5ème (parallèles et sécante, propriété des angles) permettait aux élèves de comprendre que l’éclairage zénithal du fond du puits à Syène alors qu’une ombre se dessin…

Schéma représentant l’observation conduite par Eratosthène. Le programme de math de 5ème (parallèles et sécante, propriété des angles) permettait aux élèves de comprendre que l’éclairage zénithal du fond du puits à Syène alors qu’une ombre se dessine pour l’obélisque d’Alexandrie ne pouvait conduire qu’à la conclusion de la rotondité de la Terre.

Au début du 16e siècle Magellan en apporte une preuve expérimentale irréfutable : navigant toujours vers l’ouest, son équipage (Magellan meurt aux Philippines) revient à son point de départ. La démonstration est ici expérimentale. Dans les années 1960, les astronautes n’ont qu’à ouvrir les yeux pour voir la terre comme une boule dans l’espace. Mais évidemment il faut y aller…

La séquence d’une démarche scientifique passe donc par ces 3 phases : élaboration d’un concept, vérification expérimentale, visualisation des conclusions au moyen d’un appareillage toujours plus puissant et dédié spécifiquement (pour faire simple, de la longue vue au télescope spatial Hubble).

Antérieurement, Aristarque de Samos avait formulé l'hypothèse de l’héliocentrisme : la Terre tournant sur elle-même et se déplaçant sur un cercle centré sur le Soleil, le Soleil et les étoiles « fixes » étant immobiles (à cette époque les planètes visibles sont considérées comme des étoiles « mobiles »). Or, selon Archimède, la plupart des astronomes adhéraient au géocentrisme, soit la Terre immobile, centre autour de laquelle tout tourne. L'hypothèse héliocentrique d'Aristarque n'a pas grand succès et tombe assez rapidement dans l'oubli. Ses détracteurs lui reprochaient de mettre à mal la physique des 4 éléments et des 4 qualités d'Aristote.

Les 4 éléments retenus par Aristote sont ici croisés avec les 4 qualités organisées selon leur antagonisme. Une même qualité peut être partagée par 2 éléments voisins dans le schéma.

Les 4 éléments retenus par Aristote sont ici croisés avec les 4 qualités organisées selon leur antagonisme. Une même qualité peut être partagée par 2 éléments voisins dans le schéma.

On voit poindre ici un dogmatisme que l’on va retrouver dans les 3 religions monothéistes "du Livre" (« Aristoteles dixit » anticipant sur « Deus dixit », dont la dernière étape historique se fait via Mahomet), alors que dans le monde culturel grec, les hypothèses scientifiques et philosophiques les plus diverses (y compris l'athéisme !) pouvaient se donner libre cours, sans offusquer les dieux, qui avaient autre chose à faire que de se préoccuper des opinions humaines.

Si le choix de Pâris « à la plus belle » engendre une discorde entre Aphrodite, Athéna et Héra, ce sont les hommes qui en paient le prix dans la guerre de Troie…

Il va falloir plus d’un millénaire pour que les hommes se remettent à penser que Dieu a autre chose à faire que distribuer des bons points – et des mauvais aussi – ce qui laisse un doute sur la qualité de sa création, puisque par le Déluge il a déjà dû refaire sa copie. Mais ce doute est vite réprimé par le fait que les « voies du Seigneur sont impénétrables ». La soumission est donc la seule voie disponible pour l’humanité. Pourtant, une autre piste se dessine : si la création divine est parfaite, elle est définitive, et Dieu étant immortel se trouve hors du temps. Si l’homme est fait à son image, cette perfection doit pouvoir se reconnaître par l’activité intellectuelle examinant la Nature. L’observation, dénuée de préjugés (l’autorité des Maitres) doit permettre d’avancer dans la voie de l’identification de la perfection de la création divine.

A LA RECHERCHE D’UNE MESURE DU TEMPS.

Cette préoccupation se manifeste très tôt, laissant des traces dès le Néolithique au cours du 3e millénaire avant notre ère, l’observatoire astronomique mégalithique de Stonehenge en Angleterre commençant à être édifié à partir de –2800 tandis que le premier calendrier, reconnu comme tel, date des Sumériens qui dominent la Mésopotamie à partir de la fin du 4e millénaire avant notre ère.

Le repérage le plus simple est le jour qui forme l’unité de base de tout calendrier, marqué par la période entre 2 levers (ou 2 couchers) du soleil faisant alterner lumière et ombre. Les cycles de la Lune déterminent une durée intermédiaire, le mois tandis que le cycle du soleil détermine l’année.

Mais la détermination de ces durées n’est pas simple et c’est par une observation astronomique, précise et prolongée dans le temps, que nos ancêtres vont parvenir à des étalonnages de qualité pour enfermer le temps dans un cycle régulier ayant valeur officielle, permettant de déterminer la conduite de la vie quotidienne, d’organiser les manifestations rituelles spécifiques à la communauté et de garder en mémoire les évènements notables l’ayant affectée. Selon le phénomène astronomique que l’on privilégie, on rencontre dans le temps 3 grands types de calendriers.

Le calendrier lunaire est le plus commode à élaborer : les mois commencent à chaque nouvelle lune, ses quartiers déterminant une subdivision en semaines. Mais il a un énorme défaut : l’année lunaire est plus courte que l’année solaire ce qui entraine une dérive par rapport au rythme des saisons. Il est donc totalement inadapté à l’agriculture qui est devenue une activité essentielle pour les civilisations du Néolithique. D’où l’adoption très large d’un calendrier luni-solaire : les mois commencent à la nouvelle lune, mais pour éviter la dérive par rapport aux saisons, on ajoute épisodiquement un 13e mois. Le début de l’année nouvelle est donc fluctuant mais sur une période limitée à une lunaison. Bien adapté au cycle de la nature, le calendrier solaire peut s’étalonner de 3 façons (année sidérale : retour du soleil devant une étoile servant de point origine ; année vernale : rythmique des saisons entre solstices et équinoxes, ce qui a en outre la capacité à rendre compte de l’inégale durée du jour et de la nuit suivant les saisons ; année tropique : bouclage du tour complet de la terre autour du soleil) ce qui suppose une observation astronomique rigoureuse. Les Egyptiens, à partir du règne de Djoser (vers 2650 avant notre ère), adoptent ce type de calendrier, organisant l’année en 365 jours répartis en 12 mois de 30 jours chacun, 5 jours étant ajoutés en fin d’année, hors mois. L’avantage d’un tel calendrier respectant les saisons est évident pour l’agriculture mais déconnecte totalement la mesure du temps du cycle de la Lune. Le culte solaire d’Aton, divinité suprême, vers la fin du 2e millénaire avant notre ère n’est pas une fantaisie d’un pharaon “illuminé”…

Le disque solaire Aton tend la croix de vie à pharaon et à son épouse. (Musée du Caire -Trésor de Toutânkhamon, fils et successeur d'Akhenaton initiateur de la réforme religieuse du 14e siècle avant notre ère).

Le disque solaire Aton tend la croix de vie à pharaon et à son épouse. (Musée du Caire -Trésor de Toutânkhamon, fils et successeur d'Akhenaton initiateur de la réforme religieuse du 14e siècle avant notre ère).

Le temple d’Abou Simbel, creusé sur ordre de Ramsès II dans la falaise de la rive ouest du Nil (la rive des morts associée au soleil couchant), est orienté sur le point de lever du soleil à l’équinoxe.

Le temple d’Abou Simbel, creusé sur ordre de Ramsès II dans la falaise de la rive ouest du Nil (la rive des morts associée au soleil couchant), est orienté sur le point de lever du soleil à l’équinoxe.

La lumière solaire rasante pénètre alors jusqu’au fond du couloir du temple, illuminant 3 des 4 divinités, celle de Ptah, dieu funéraire des ténèbres, légèrement décalée par rapport à l’axe du couloir, restant toujours dans l’ombre.(NB = ma photo es…

La lumière solaire rasante pénètre alors jusqu’au fond du couloir du temple, illuminant 3 des 4 divinités, celle de Ptah, dieu funéraire des ténèbres, légèrement décalée par rapport à l’axe du couloir, restant toujours dans l’ombre.(NB = ma photo est prise au flash)

La mainmise romaine sur l’ensemble du bassin méditerranéen (“Mare nostrum”) pousse Jules César, sur les conseils de l'astronome grec Sosigène d’Alexandrie, à unifier le temps dans l’espace romanisé en faisant adopter en – 46 le “calendrier julien”. Il fixe la durée d'une année normale à 365 jours et tous les 4 ans un jour est ajouté pour rester calé au plus près de l’année solaire (année bissextile). Adopté progressivement par la chrétienté à partir du 6e siècle, mais recalé sur la naissance du Christ comme point origine et non plus sur la création de Rome, il se généralise à partir des Carolingiens et est toujours en vigueur dans les Eglise orthodoxes orientales. Ce calendrier à cependant un défaut qui se révèle sur le long terme : l’année julienne est plus longue d’environ 11 minutes que l’année tropique. La fête de Pâques se trouvant progressivement décalée, le concile de Trente, organisateur de la Contre Réforme catholique demande au pape Grégoire XIII de réviser le calendrier pour rester en phase avec le rythme des saisons. 10 jours sont immédiatement supprimés dans le nouveau calendrier et le régime des années bissextiles est modifié : seules les années séculaires dont le millésime est divisible par 400 restent bissextiles.

C’est actuellement le calendrier avec lequel nous mesurons le temps et son usage s’est progressivement imposé partout dans le monde : après 1700 dans les pays protestants et surtout au cours du 19e siècle avec l’expansion coloniale européenne. Au point qu’aujourd’hui on a de plus en plus tendance à parler d’ère commune (EC) et non d’ère chrétienne (ap. J-C.). Cependant un certain nombre de pays conservent parallèlement un calendrier liturgique (judaïsme, bouddhisme, islam etc.) ou politique (année de règne de l’empereur au Japon par exemple) spécifique. Le cas de celui de l’islam mérite cependant qu’on s’y arrête, car il est à mes yeux un des lieux de la disjonction avec « la raison scientifique ».

LE CALENDRIER ISLAMIQUE

Il s’agit d’un calendrier strictement lunaire pour lequel l’année synodique est plus courte que l’année solaire, d’environ 11 jours.

Depuis des millénaires, les astronomes avaient remarqué que deux lunaisons successives n'avaient pas la même durée. Par convention, ils ont fait alterner des mois de 30 jours et des mois de 29 jours ce qui permettait de faire correspondre la durée de révolution synodique de la Lune sur deux mois consécutifs à un nombre de jours entiers (59), laissant à peine un petit écart mensuel de 44 min environ. Pour le compenser, on ajoutait 1 jour tous les 3 ans pour rester en phase avec le cycle lunaire. Mais le décrochage avec le cycle solaire rend ce calendrier totalement impropre à la gestion de l’agriculture, tributaire des saisons. Pour des peuples du désert, pasteurs nomades ou pour les sédentaires des oasis – c’est l’abondance de l’eau qui y détermine la production végétale avec des possibilités de plusieurs récoltes par an selon les plantes – cet inconvénient reste mineur. Cependant, dans l’Arabie préislamique, les bédouins, tout en utilisant un calendrier lunaire de 12 mois, avaient pris l’habitude, depuis le 4e siècle d’ajouter un 13e mois, mobile dans l’année, sur le modèle de la pratique hébraïque.

Il faut se souvenir ici que le monothéisme est très présent dans la péninsule dès le début de notre ère. Jusque vers 300 après J-C., l'Arabie méridionale compte de nombreux royaumes et principautés de taille très variable, pratiquant un polythéisme où le culte des pierres – bétyles – est important. Cependant, on observe une certaine unité culturelle : partout l'écriture est la même, tout comme le répertoire iconographique, l'architecture ou les techniques. Et le monothéisme est dans l'air du temps. Par la conquête, Himyar unifie toute l'Arabie méridionale. Le choix du christianisme aurait présenté pour lui l'inconvénient d’un assujettissement à Byzance. Aussi la dynastie himyarite fait le choix du judaïsme, et se convertit, menant le combat contre le royaume de Saba qui entend s’affirmer sur les 2 rives de la Mer Rouge, depuis son centre éthiopien. Conséquence de cette unification politique himyarite, le calendrier hébraïque est de plus en plus partagé. Outre ce royaume, de nombreuses communautés juives sont aussi bien implantées dans le Hedjaz.

Pour s’imposer, Mahomet va devoir marquer sa différence avec ces monothéismes, juif et chrétien, dont il récupère une grande partie des messages (le Coran en tisse un patchwork hétéroclite dans une écriture remaniée au moins sur quelques décennies). L’exemple le plus banal est celui du jour où Dieu se repose après sa création. Les juifs ont retenu le samedi qui commence au coucher du soleil du vendredi. Les chrétiens retiennent le dimanche. Mahomet fixe donc le jour de la grande prière au vendredi. Et pour le calendrier, la seule façon de se démarquer du judaïsme est de rompre avec le calendrier luni-solaire, en particulier avec la pratique de l’ajout d’un mois supplémentaire qui permettait de suivre à peu près le cycle solaire.

Mahomet proclame que « Le nombre des mois est de douze devant Dieu, tel il est dans le Livre de Dieu, depuis le jour où il créa les cieux et la terre. Quatre de ces mois sont sacrés ; c’est la croyance constante. » (Coran 9,36). Le calendrier de l’islam, adopté après la reconquête de La Mecque par Mahomet est donc strictement lunaire, son point origine étant le premier jour de l’Hégire : le départ de Mahomet, en butte à l’hostilité de plus en plus forte des Mecquois, en exil à Yathrib (qui devient alors Médine, « la ville ») en 622 EC.

RELIGION, ASTRONOMIE ET RAISON

Ce choix pose donc 2 problèmes pour la pratique religieuse propre à l'islam. Comment opérer pour déterminer précisément la période du ramadan et pour déterminer la direction de La Mecque vers laquelle doit se tourner le croyant pour prier ?

C'est l'observation à l'œil nu de la nouvelle lune qui signale le début de chaque mois. Tant qu’on reste dans le désert de la péninsule arabique, sauf élément météorologique empêchant l’examen du ciel (brume, nuages, vent de sable) ce calendrier peut fonctionner. Mais dès que la conquête dilate l’espace de l’empire des rives atlantiques à la plaine indo-gangétique, et de la mer d’Aral au lac Tchad cette observation ne peut pas se passer le même jour et à la même heure. Ainsi pour l’année 2005 EC, la rupture du jeune à la fin du ramadan selon les pays s’échelonnait du 2 au 5 novembre (1er chawwal 1426 dans le calendrier hégirien).

Le second problème est la détermination de la “qibla” – direction de La Mecque – qui doit s’inscrire dans l’architecture de la mosquée par la niche du “mihrab”. La détermination de la latitude et de la longitude du lieu peut seule permettre de définir cette direction. Si la détermination de la latitude est relativement précise par l’observation des astres, la longitude ne peut être qu’approchée par une estimation de la distance au lieu origine.

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Quelques exemples de mihrab indiquant la direction de La Mecque pour la prière. De gauche à droite et de haut en bas : mosquée du Barbier (KAIROUAN) mosquée des Omeyades (DAMAS) grande mosquée (CORDOUE) mosquée du Cheik (ISPAHAN)

Les Arabes, par leur conquêtes, sont confrontés aux connaissances accumulées antérieurement en Inde (numération indienne qui incorpore le zéro - pour nous les “chiffres arabes” ) en Perse, dans l’empire grec Byzantin (gardien de l’héritage grec classique) qu’ils vont récupérer et diffuser à travers tout l’espace de l’empire Abbasside par leurs traductions et en enrichissant le savoir humain de leurs propres développements. L’observation astronomique est un des corpus le plus imposant. Aussi tout un courant, au sein de l’islam, souhaite déterminer les dates repères du calendrier par l’observation et le calcul astronomique afin d’unifier et de synchroniser la pratiquer rituelle dans le monde musulman.

Ibn Rushd - latinisé en Averroès - donne l’exemple d’une observation qui ne correspond pas à la réalité : selon notre vision, le soleil est bien plus petit que la Terre. Mais les données de la connaissance astronomique et des méthodes de calcul associées permettent d’établir une vérité scientifique : le soleil est bien plus grand que la Terre, ce qui va à l’encontre de l’opinion commune de la foule piégée dans sa vision immédiate.

Averroès cherche à donner un statut et un rôle très précis à la philosophie d'inspiration grecque, aux côtés de l'islam. Commentateur minutieux de l’œuvre d’Aristote, il influence si profondément les penseurs médiévaux que Thomas d’Aquin consacre une partie de son œuvre à réfuter la lecture qu’il en fait et les développements qu’il lui donne.

Exaltant dans son œuvre l'autorité de l'Église et la doctrine des dominicains, Thomas d’Aquin de sa cathèdre, dénonce les erreurs doctrinales d’Arius (g.) d’Averroès (centre) et de Sabellius (d.), écrasés à ses pieds (détail de la fresque de Bonaiut…

Exaltant dans son œuvre l'autorité de l'Église et la doctrine des dominicains, Thomas d’Aquin de sa cathèdre, dénonce les erreurs doctrinales d’Arius (g.) d’Averroès (centre) et de Sabellius (d.), écrasés à ses pieds (détail de la fresque de Bonaiuti, salle capitulaire de Santa Maria Novella ; FLORENCE –1367)

Mais 3 siècles plus tard Raphaël insère sa figure parmi les grands représentants de la philosophie antique, dans l’immense fresque « L’Ecole d’Athènes » qui décore la bibliothèque privée du pape Jules II dans les appartements pontificaux du Vatican. Mais au sein de l’islam, son œuvre est assimilée au courant mutazilite qui rejette l'anthropomorphisme divin, réfute l'aspect incréé du Coran et met en avant le libre arbitre et l'usage des outils rationnels de la philosophie. Cette doctrine est légitimée au sein du califat abbasside par le calife perse Al-Mamun est reste dominante au long des 9e et 10e siècles. Ce courant est violemment combattu par les littéralistes qui soutiennent le caractère incréé du Coran, parole révélée auto-suffisante, et qui dénoncent comme impie le fait d’interpréter le Coran à l’aide des outils logiques et métaphysiques des Grecs polythéistes. Il décline à partir du 11e siècle avant de disparaître complètement au siècle suivant, siècle d’Averroès.

Seule la dynastie chiite des Fatimides, en Égypte, va utiliser un calendrier fondé sur le calcul, entre les 10e et 12e siècles.

Fresque de « L’ECOLE D’ATHENES » de Raphaël réalisée entre 1508 et 1512 pour Jules II.

Fresque de « L’ECOLE D’ATHENES » de Raphaël réalisée entre 1508 et 1512 pour Jules II.

Averroès y figure à gauche, près d’un socle de colonne et identifiable à son turban (Cf. détail).

Averroès y figure à gauche, près d’un socle de colonne et identifiable à son turban (Cf. détail).

LE DECROCHAGE

Hors cette parenthèse fatimide, les oulémas du monde sunnite s’obstinent et estiment qu'il est illicite de recourir au calcul pour déterminer le début des mois lunaires et en dénonce l’hérésie. Puisque Mahomet a recommandé la procédure d'observation visuelle, et que c’est proclamé dans le Coran, il convient de s’y tenir fermement. Ce qui fait l’impasse sur le fait que Mahomet, partageant sa vie entre La Mecque et Médine, ne pouvait imaginer les problèmes que cela poserait dans l’immense empire contrôlé par ses successeurs 3 siècles plus tard.

UN DETOUR PAR AL ANDALUS

L’histoire d’Al Andalus met à mal la version “bisounours” de la cohabitation des musulmans, chrétiens et juifs. Par un anachronisme fréquent dans les publications de vulgarisation, on glisse du cultuel au culturel, du dogmatisme religieux fondamental à la vision présente du « vivre ensemble », alors que le pouvoir cherche avant tout à limiter les conflictualités interreligieuses afin de préserver ses ressources fiscales.

Al-Andalus émerge d'abord comme refuge des Omeyades, traqués et chassés de Damas par la dynastie Abbasside qui déplace sa capitale à Bagdad. Au 9e siècle le sud de l’Espagne devient un foyer de haute culture au sein de l'Europe médiévale, attirant un grand nombre de savants. Mais il ne faut jamais perdre de vue son ancrage musulman : le religieux est la norme et l’horizon des sociétés médiévales est le respect du dogme, ce qui limite drastiquement la possibilité de faire société avec d’autres.

A partir de 976 une crise de succession au sein de la dynastie omeyade débouche sur la prise du pouvoir par Amir Al Mansur – occidentalisé en Almanzor – qui entreprend une offensive contre les royaumes chrétiens du nord : Barcelone est mise à sac en 985 et Saint Jacques de Compostelle en 997. C’est la fin du statu quo religieux entre le califat et le monde chrétien. Plus attentif à l'orthodoxie religieuse que ses prédécesseurs, il fait brûler les livres d'astronomie sources de controverses. La fin de son règne ouvre une période de véritable guerre civile faisant éclater Al Andalus en plus d’une dizaine de Taïfas dont certains sont aisément conquis par les chrétiens.

Face à cet affaiblissement de l’islam, une dynastie berbère marocaine, les Almoravides débarquent en Espagne en 1085 pour réunifier Al-Andalus (notons que c’est une décennie avant que le pape ne prêche pour lancer la 1ère croisade, qui amorce la montée en puissance de l’Occident chrétien). Mais ils transforment la base politique urbaine du califat en un pouvoir théocratique tribal. En 1121, ils sont chassés du pouvoir par une autre dynastie berbère marocaine, plus intégriste encore. Les Almohades vont brutalement changer les conditions du travail intellectuel : les universités rejettent les connaissances de la Grèce et la Rome antique ainsi que l'enseignement de philosophes comme Averroès dont les Almohades font brûler les œuvres en place publique, après avoir interdit la philosophie et le recours à la raison. Les dhimmis (“gens du livre” juifs et chrétiens) sont poussés à la conversion à l’islam ou à l’exil, beaucoup étant tués en route.

Affaiblis par sa défaite à la bataille de Las Navas de Tolosa, la dynastie s’effondre en 1269. Les croisades en Orient achèvent de consommer la rupture entre le monde musulman,désormais enkysté dans ses dogmes et un Occident qui, après la chute de Byzance conquise par les Ottomans, accèdent sans intermédiations aux sources grecques, prélude à la Renaissance et à la reformulation des conceptions du temps et de l’univers.

Le traitement subi par Averroès eut un effet catastrophique sur le monde arabo-musulman : « il perdit dès lors tout contact avec le progrès scientifique » selon l’historien de la philosophie médiévale et philosophe Kurt Flasch (1930-) spécialiste allemand d'Averroès. Sa pensée et ses travaux ne sont redécouverts qu’au cours du 19e siècle, lorsque dans les pays arabophones une partie de l’opinion, confrontée à l’expansion coloniale de l’Occident, remet en question sa propre arriération historique et l'obscurantisme dans lequel elle s’est enferrée depuis des siècles. Une double tension déchire alors l’islam au 20e siècle. Un courant voit l’islam bafoué et menacé dans son intégrité, d’autant que sur les décombres de l’Empire a été fondée la République turque, premier État laïque dans le monde musulman. L’autre voit dans le nationalisme et l’émergence des nouveaux États issus du dépeçage des empires, une porte d’entrée salutaire dans la modernité. Ces mouvements nationalistes ont une matrice historique qui appartient aux « partisans des Lumières » modernes chez les musulmans réformateurs. À l’inverse, l’islamisme procéde généalogiquement des « anti-Lumières », revivifiant les interdits médiévaux contre la raison critique. Sans pour autant renoncer aux divers appareils issus de la modernité scientifique : hauts parleurs et appels à la prière enregistrés en lieu et place de muezzin…

Pourtant, malgré l’opposition virulente des oulémas et d’un intégrisme de plus en plus prégnant, la pratique de l’astronomie d'observation reste soutenue dans la tradition musulmane. Mais elle manque des cadres conceptuels qui lui permettraient de progresser vers une compréhension de l’univers. Ainsi, le mathématicien persan Al Biruni (10e siècle) connait le modèle héliocentrique d’Aristarque de Samos. Mais il hésite à explorer les conséquences du modèle, et finit par considérer l’héliocentrisme comme un problème philosophique et non comme une piste pour interpréter ses observations du ciel.

Oulough Beg, petit-fils de Tamerlan, prince de Samarcande (1394-1449) fait construire à partir de 1428, un gigantesque observatoire astronomique. Dirigeant une équipe d’une soixantaine de savants, il réalise des observations d’une précision inconnue à ce jour, identifiant plus d’un millier d’étoiles nouvelles. Le résultat des observations est compilé dans LES TABLES SULTANIENNES. Oulough Beg est cependant en butte à l’hostilité des religieux car il accorde plus de poids à l'observation qu'au témoignage d'Aristote. Cette attitude de doute – car s’il doute de l’autorité d’Aristote, pourquoi ne douterait-il pas aussi de l’autorité des religieux ? – en fait de plus en plus une cible des intégristes. En 1449, au centre des luttes de succession ouvertes par la mort de son père, il est assassiné par son fils, chef de file des dévots qui détruisent son observatoire. Ses restes enterrés ne sont découverts qu'en 1908 par des archéologues russes. En 1970, un musée est créé sur le site en l'honneur d'Oulough Beg.

Portrait “de fantaisie” d’Oulough Beg dans le musée associé à la ruine du sextant géant.

Portrait “de fantaisie” d’Oulough Beg dans le musée associé à la ruine du sextant géant.

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La maquette en écorché de l’observatoire montre la position du sextant de 40 m de rayon partiellement édifié en sous-sol. Le chariot permettait à l’observateur de se déplacer sur le sextant pour se focaliser sur une étoile déterminée dans le ciel. Au fronton du bâtiment, on repère l’orifice par où la lumière de l’astre pouvait parvenir sur le sextant. Exhumée, la partie basse graduée du sextant montre les 2 quadrants gradués séparés d’un intervalle de 0,698 mètre. L’image des astres passant au méridien se déplaçait d’un mur à l’autre en 4 minutes de temps, ce qui permettait à l’instrument de fonctionner aussi comme une horloge.

Trois siècles plus tard, le maharadjah Jai Singh II fait édifier à Jaïpur, sa capitale, un fantastique observatoire astronomique, entre 1727 et 1733, le Yantra Mandir. Il comporte 17 instruments, certains de taille imposante, ce qui permet d’obtenir une précision accrue des observations. Son cadran solaire de 27 mètres de haut, permet d’obtenir, aux équinoxes, une mesure de l’heure atteignant une précision d’une demi seconde ! Mais cet observatoire continue à être utilisé dans le cadre du géocentrisme et avec une finalité astrologique plus qu’astronomique. Le pandit Jaganath, gourou de Jai Sing II et responsable de l’observatoire, n’a pour but que d’établir les thèmes astraux des détenteurs du pouvoir et de déterminer les moments les plus propices pour les grands événements des règnes (mariages, déplacements, diplomatie…).

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Cadran solaire géant du Yantra Mandir. La rampe centrale est édifiée dans l’axe zénithal du soleil. Elle permet de mesurer la hauteur du soleil au dessus de l’horizon selon les saisons. L’heure est indiquée par son ombre et se lit de part et d’autre sur les dalles de marbre graduées, le matin sur la droite de l’arc de cercle et l’après midi sur la gauche. J’ai donc pris ma photo(détail) juste après le passage du soleil au zénith (midi vrai du lieu)

POUR CONCLURE

Or, depuis le 16e siècle en Occident, le modèle héliocentrique de Copernic s’est répandu. Malgré l’hérésie qu’il représente du point de vue littéral de la Bible, le pape Clément VII fait appel à lui pour la réforme du calendrier julien, finalisé sous le pontificat de Grégoire XIII en 1582. CE CALENDRIER SOLAIRE “GREGORIEN” EST ACTUELLEMENT CELUI QUI EST GENERALISE DANS LE MONDE ASSOCIE A LA NOTION D’ERE COMMUNE.

Ce modèle héliocentrique est amélioré au début du 17e siècle avec les travaux de Kepler qui résolvent les anomalies découlant du postulat d’orbites circulaires encore à la base du système copernicien. Car le cercle était associé à la perfection divine.

Là je ne résiste pas à vous livrer un blasphème” inspiré par mon athéisme fondamental : n’aurait-on jamais remarqué depuis des siècle et des siècles qu’une chèvre liée à un piquet par une corde peut dessiner un cercle ?

Par le calcul, en particulier à partir des observations de Tycho Brahe, il détermine la forme elliptique de l’orbite des planètes qui gravitent autour du soleil et énonce les lois qui régissent leurs mouvements sur leur orbite, avancées qui vont être exploitées par Newton pour élaborer la théorie de la gravitation universelle.

Galilée, qui a perfectionné la longue-vue (mise au point par l'opticien hollandais Lippershey) pour obtenir un grossissement x 30, découvre les satellites de Jupiter, ce qui l’amène à généraliser le modèle du système solaire comme modèle d’organisation de l’univers. La réaction religieuse qui s’affirme avec la Contre-Réforme entraine sa condamnation par l’Eglise et la mise à l’index de ses œuvres. En 1990 encore Benoit XVI jugeait la position de l'Église d'alors plus rationnelle que celle de Galilée ! Mais à l’occasion du 400e anniversaire de sa découverte des satellites jupitériens, l'année 2009 a été déclarée « Année Mondiale de l'Astronomie ».

L’émancipation de la science par rapport à la religion est lancée. Ce ne sera pas “un long fleuve tranquille”. La violence des combats d’arrière-garde menés par les églises – contre Buffon à la fin du 18e siècle (sur la mesure de l’âge de la Terre), contre Darwin au 19e siècle (sur l’évolution des espèces) parmi bien d’autres – en atteste. Conquête des “Lumières”, le temps de la science est désormais autonome, au grand dam des religions.

De toutes les religions.

Faut vous dire, Monsieur

Que chez ces gens-là

On n'pense pas, Monsieur

On n'pense pas

On prie

(Les Flamandes - JACQUES BREL)



Jean Barrot














































































PRINCIPAUX MYTHES GRECS - ICARIOS, PORTE-PAROLE DE DIONYSOS... SUITE

Connaissance & Partage

ICARIOS, PORTE-PAROLE DE DIONYSOS

19 novembre 2020

Le lendemain de son entrevue avec Icarios, Dionysos quitta le village et poursuivit sa route afin de faire découvrir la culture du vin à d’autres communautés. Avant de partir, il indiqua à son hôte son itinéraire pour les jours suivants.

« Ainsi, s’il y a le moindre problème, tu sauras où me trouver. N’hésite pas ! Je reste à ta disposition. »

Après le départ de Dionysos, les voisins d’Icarios se bousculèrent chez lui afin de connaître la teneur des nouveautés proposées par le Dieu des Vendanges.

« Dionysos m’a fourni, dit-il, tout un tas d’informations sur la nouvelle culture qu’il appelle la viticulture. Il a laissé également quelques plantes, qu’il appelle des ceps de vigne, des grappes de raisin ainsi qu’un tonneau de vin, la nouvelle boisson. Laissez-moi le temps de tout ranger et, dès ce soir, je vous fournirai tous les renseignements en ma possession. »

Effectivement, le soir même, les six personnages les plus importants du village se retrouvèrent dans la demeure d’Icarios. Le repas avait été préparé par la douce Erigoné qui, après avoir avalé un frugal dîner, se réfugia dans sa chambre. En effet, les discussions entre adultes ne la passionnaient guère.

Icarios leur fit goûter le raisin, montra les ceps de vigne ainsi que le tonneau contenant quelques litres de vin.

« Dionysos m’a assuré qu’il nous aiderait si nous décidions de nous lancer dans la viticulture. Si tel était le cas, il nous fournirait tous les plants et le matériel nécessaire ainsi qu’une personne qui nous conseillerait. »

« Pour que l’on prenne une décision, fit l’un des participants, il faudrait savoir de quelle boisson il s’agit. Les grains de raisin sont délicieux mais le contenu de ce tonneau nous est inconnu. »

« Mais les amis, fit Icarios, c’est la raison pour laquelle je vous ai réunis. Maintenant, goûtons ce vin. »

Il prit alors le tonneau et emplit le verre de chacun. Dès qu’il eurent trempé les lèvres dans ce nouveau breuvage, tous furent enthousiasmés.

« Et dire que c’est l’Olympe qui régale, fit le vieux Délios ! »

Tous éclatèrent de rire et, dans un seul mouvement, vidèrent leur verre d’un trait puis le tendirent à Icarios afin qu’il les remplisse à nouveau.

« Du calme mes amis, du calme ! Dionysos m’a bien averti. Le vin est un excellent compagnon mais, si l’on en abuse, il devient notre pire ennemi. »

Aucun de ses compagnons ne prit garde à ses conseils et il fallut que le tonneau fut vide pour que les verres le fussent aussi.

Tentant de se lever, l’un d’eux s’écria

« Je ne tiens plus sur mes jambes et tout tourne autour de moi, ! »

Tous se trouvèrent dans la même situation et, n’ayant jamais été confrontés à l’ivresse, ils crurent avoir été drogués par Icarios. Ils se jetèrent sur lui et une bagarre générale s’ensuivit. A un moment donné, l’un d’eux sortit son poignard et frappa le pauvre paysan en plein coeur, ce qui passa inaperçu dans la bousculade générale. Après avoir crié, juré et vomi à qui mieux mieux, tous finirent par tomber dans un profond sommeil.

En pleine nuit, l’un des paysans s’éveilla et, devant la scène d’horreur, alerta ses amis entassés les uns sur les autres. Une fois qu’ils eurent, plus ou moins, recouvré la raison, ils décidèrent de cacher leur crime.

« Fuyons au plus vite, cria Délios. Nous allons ensevelir le pauvre Icarios en pleine montagne puis nous nous cacherons à Athènes en attendant que le scandale s’apaise. Ce ne sera pas le premier crime commis dans cette ville qui grouille de malfrats, de voleurs et d’assassins. ».

C’est ainsi qu’ils emportèrent le corps d’Icarios et qu’ils l’ensevelirent sous un tas de pierres. Cela fait, ils abandonnèrent leur épouse, leur foyer et se fondirent dans la ville pour tenter de se faire oublier.

(A suivre)

Bonne lecture

BOB

PRINCIPAUX MYTHES GRECS - DIONYSOS ET ICARIOS

Connaissance & Partage

DIONYSOS ET ICARIOS

12 novembre 2020

CHAPITRE PREMIER : Dionysos, Icarios et les paysans athéniens

L’hiver touchait à sa fin et, à perte de vue, les montagnes arides de l’Attique se débarrassaient de leurs plaques de neige, laissant la place à des genêts qui ne manqueraient pas de fleurir. Dans la plaine, un torrent tumultueux descendait la montagne alors que quelques maisons en torchis et des champs bien entretenus témoignaient d’une présence humaine. Près d’une de ces vieilles bâtisses un petit groupe d’hommes semblait discuter avec ferveur.

« Es-tu sûr, Icarios que Dionysos, le Dieu des vendanges, soit dans la région, demanda Pélos, son voisin ? »

« Non seulement j’en suis sûr mais, pas plus tard qu’hier, un de ses adjoints m’a certifié qu’il devrait me rendre visite très bientôt. Je suis tout de même votre élu et c’est normal qu’il veuille me parler en priorité. »

« On sait, fit un des hommes que, depuis un certain temps, le dieu Olympien circule dans la région pour enseigner aux humains une nouvelle culture. Nous devrions être honorés par sa visite. »

Quelques jours plus tard, en effet, Dionysos, le Bacchus des Latins, se présenta chez Icarios pour lui parler d’une toute nouvelle culture, celle de la vigne. Dans une grande charrette, escortée de quelques soldats, s’entassaient des ceps de vigne, de belles grappes de raisins et des tonneaux de vin.

« Vois-tu Icarios, expliqua Dionysos, ces magnifiques grappes chargées de grains de raisin. Ce sont les fruits de la vigne, une nouvelle culture. Et voilà les plants que l’on appelle ceps. Si ces fruits sont convenablement pressés on obtient un délicieux liquide que l’on appelle vin. Voici d’ailleurs cette nouvelle boisson.»

Il leva alors une gourde qu’il présenta à Icarios.

« Le liquide qui se trouve dans cette gourde est une source de jouvence. Tu peux y goûter, cela ne te fera aucun mal. »

Timidement, le brave homme mit la gourde à sa bouche et n’avala qu’une petite quantité de vin.

« Tu peux en boire davantage, tu n’as rien à craindre. »

Icarios, trouvant le breuvage délicieux, renouvela l’expérience et c’est Dionysos qui dut l’interrompre :

« Bien, bien, fit-il mais, attention, tu dois boire avec modération (1). Tu risques d’avoir un peu mal à la tête si tu en bois trop et même perdre un peu la raison. »

Icarios posa la bouteille sur une table et posa au dieu des vendanges quelques questions.

« Cette boisson est délicieuse et j’aimerais bien développer sa culture mais tu dois me donner quelques conseils. Non seulement à moi mais à tous mes voisins.»

« J’ai l’habitude de cela et voici la démarche que je te propose. Dans un premier temps, tu dois convaincre les habitants du village du bien-fondé de cette nouvelle boisson. Je vais te laisser un tonneau de vin que tu leur feras goûter et le mois prochain un de mes adjoints repassera chez toi. Si vous êtes convaincus, il restera dans le village autant de temps qu’il le faudra pour vous enseigner toute la technique. »

« Mais nous n’avons aucun cep et pas davantage de pressoirs, fit remarquer Icarios. »

« Mon délégué viendra avec quantité de ceps et un pressoir. Cela est peu, certes, mais suffisant pour un début. Au bout d’un an, si vous êtes convaincus, je mettrai à votre disposition tout le matériel nécessaire que vous me paierez en plusieurs années. »

C’est ainsi que débuta, en Grèce, la viticulture.

(1) Parce que vous croyiez que cette expression date de l’époque actuelle ?

(à suivre)

Bob

PRINCIPAUX MYTHES GRECS CHAPITRE 5

Connaissance & Partage

CHAPITRE 5 : Dionysos et le Bélier Sauveur

5 novembre 2020

Nous sommes en plein désert au sud de la Grèce. Le dieu Dionysos, accompagné par une escorte d’une vingtaine de soldats, était venu dans la région régler un différend entre deux communautés qui risquait, s’il n’était pas solutionné, d’entraîner une lutte fratricide.

Le problème résolu, il retournait vers l’Olympe quand, sur le parcours, la troupe s’égara dans un lieu désertique. Voilà plusieurs jours que Dionysos et sa troupe erraient sans pouvoir se repérer de nuit avec les étoiles tant le ciel était sans cesse parcouru par de lourds nuages. Le Soleil lui-même ne se montrait guère, l’horizon étant perpétuellement gris anthracite. Les vivres, et surtout la boisson, commençaient à manquer malgré le rationnement organisé par Dionysos.

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La petite troupe marchait de plus en plus lentement quand ils aperçurent, au sommet d’un rocher, un bélier qui les observait. Sûrs du bon repas qui s’offrait à eux, les hommes se précipitèrent vers l’animal. Hélas, à peine s’approchèrentils, que l’animal se sauva et se percha sur une autre rocher, une centaine de mètres plus loin. Ce manège se répéta plusieurs fois comme si l’animal les invitait à le suivre. Après une partie de cache-cache qui dura plus d’une heure, le bélier disparut une fois encore derrière un monticule pierreux. Derrière ces quelques rochers épars, les soldats tombèrent sur une source limpide qui chantait en traversant une partie herbeuse.

A quelques mètres de là gisait un oryx fraîchement tué, certainement par un lion ou un léopard. Les hommes crièrent leur joie : leur calvaire était terminé. Lorsque Dionysos fit le compte rendu de son expédition à Zeus celui-ci évoqua les bienfaits d’un autre bélier. « Ces animaux méritent bien de figurer parmi les étoiles. En plus de ton bélier salvateur, j’ai entendu parler d’un autre bélier qui sauva d’une mort certaine deux enfants royaux d’une grande cité béotienne. Lui, sa particularité, était de parler comme toi et moi, de voler comme un oiseau et, de surcroît, d’arborer une splendide toison tout en or. Un jour, mon fils, je te conterai ses fabuleuses aventures. »

(à suivre)

Bob

DESTIN DE LA CARICATURE

Connaissance & Partage

Comme nous revoilà parti en confinement je vais recommencer à vous proposer quelques textes pour occuper votre « temps de cerveau disponible ».

En cette journée d’hommage à Samuel Paty, je vous propose un texte rédigé en 2006, dans la foulée des « émotions » suscitées par la publication de caricatures de Mahomet dans le journal danois Jyllands Posten, et publié à l’époque dans la revue des Amis du Musée Fabre,

LA RENCONTRE n° 77 - 3e T. 2006.

J’en renouvelle ici l’iconographie d’accompagnement avec 2 objectifs : mieux cibler l’évolution historique de la caricature (images de 1 à 6) et rendre compte des débats et affrontements de la période récente, où la caricature s’est déplacée vers le dessin de presse …du moins dans ce qu’il en reste en version papier.

DESTIN DE LA CARICATURE

Il y a un an, l'affaire des « caricatures de Mahomet », soigneusement montée par quelques intégristes islamistes, déclenchait une vague de mouvements de foule dans les pays musulmans(1) ainsi qu'une série de polémiques rebattues autour de l'usage de la caricature dans la vie publique de notre pays.

UN BUT

Si la chose vient de très loin – des traces de caricatures sont repérables dans l'Antiquité mais les supports utilisés n'ont pas vraiment permis leur conservation – le mot n'émerge que vers la fin du 16e siècle à partir de l'italien caricare (charger).

• Le portrait-charge en est probablement la forme initiale : il consiste en une exagération des traits physiques les plus marquants d'un personnage. C'est un constat.

• Le portrait métaphorique pousse la déformation physique pour exprimer une vision critique ou satirique d'un personnage (c'est dans cette catégorie qu'on pourrait ranger la caricature représentant Mahomet avec un turban en forme de bombe(2)). C'est un jugement.

• La caricature de situation, enfin, ne cible plus un personnage particulier bien identifié mais un type, assimilé à un groupe, mis dans une situation réelle, imaginaire ou fantasmée, dont on veut critiquer les mœurs ou les comportements. C'est – le plus souvent – un préjugé (je reviendrai plus précisément sur ce point)

Mais le dénominateur commun de ces variantes de caricatures, c'est le rire.

FAIRE RIRE.

Derrière cette volonté des caricaturistes, il y a bien plus que la recherche d'une décharge pulsionnelle à provoquer chez le lecteur. Le rire visé est fondamentalement une source du doute. Il affranchit non seulement des censures extérieures qui cherchent à imposer un credo, un « politiquement correct », un absolu de la vérité – et on verra que la caricature a un rapport puissant avec la vérité – mais il est surtout ce qui fait échapper aux censures intérieures que sont la peur du sacré, les interdits autoritaires, les commémorations douloureuses du passé. Comme le note M. Bakhtine à propos de l'œuvre de Rabelais : « Il permet d'ouvrir les yeux sur le neuf et sur le futur ». Chaplin ne s'y trompe pas avec LE DICTATEUR, promesse des désastres à venir, de même que Begnini, pour un enfant, ranime sans cesse l'idée que LA VIE EST BELLE.

Et l'on voit bien où le bât blesse : si le rire a un rapport avec le doute, il a de ce fait un rapport avec la mise en cause du sacré et, quelque part, sent le soufre. Je pense bien sûr ici au NOM DE LA ROSE d'Eco, à tous ces cadavres qui s'amoncellent à seule fin de nier la réflexion d'Aristote sur le rire.

UN STYLE

Le moyen du caricaturiste pour faire naître le rire est le graphisme, la volonté d'utiliser uniquement le trait (la couleur apparaît le plus souvent comme secondaire dans la caricature). Elle s'inspire d'une trajectoire historique que l'on a pu qualifier de « main gauche de l'art », dans la mesure où, historiquement, l'utilisation du seul graphisme a surtout concerné les gueux, les débauchés, les prostituées, les comédiens, les soldats de fortune (ainsi chez Callot, Hogarth, Lautrec etc.). Ce recours au seul trait est antinomique de l'art classique qui cherche en permanence à associer la couleur et le dessin, association qui est la source même de la Vérité. L'exagération des défauts, des difformités, des tics, fait de la caricature une arme offensive et, par le rire obtenu, implique le spectateur dans un acte. D'une certaine manière on peut considérer que la caricature s'apparente à ce qu'étaient les techniques de l'envoûtement : on jette un sort par l'intermédiaire d'une effigie. La puissance de la caricature et sa raison d'être, c'est de parvenir à être acte : elle ne montre pas, elle opère. Les réactions de rue dans les pays musulmans ont été à ce titre exemplaires : les caricatures incriminées ont été en mesure de provoquer la mort de manifestants à travers les affrontements avec la police ou dans des mouvements de foule non contrôlés.

Finalement, que la caricature soit subtile ou grossière, elle ne fait jamais mystère de ses intentions : c'est une prise de position et en ce sens elle apparaît comme un instrument essentiel de la liberté de penser.

UNE HISTOIRE

Historiquement, la naissance de la caricature s'effectue à la Renaissance. Par les citations qu'en font Aristote ou Aristophane, on sait qu'un certain Poson était un caricaturiste renommé. Mais on n'arrive pas à saisir vraiment quelle était l'importance et la position institutionnelle de la caricature en tant que graphisme, alors qu'on mesure assez bien la place de la satire dans le théâtre ou les écrits antiques.

Ce graffiti, découvert en 1897 dans les vestiges de la “domus Gelotiana” à Rome est daté autour du 2e siècle. Il caricature la croyance des chrétiens en Jésus : une forme humaine crucifiée, affublée d’une tête d’âne, est saluée ou honorée par un per…

Ce graffiti, découvert en 1897 dans les vestiges de la “domus Gelotiana” à Rome est daté autour du 2e siècle. Il caricature la croyance des chrétiens en Jésus : une forme humaine crucifiée, affublée d’une tête d’âne, est saluée ou honorée par un personnage debout en contrebas. Le texte gravé (dans un grec approximatif qui veut indiquer le lieu d’origine – l’est de la “Mare Nostrum” – de cette nouvelle croyance) signifie « Alexamenos adore (son) Dieu » (Musée du palatin – Rome)

Pour que la caricature se développe comme source de rire, il faut que la société se propose, par l'Art, d'exprimer la Beauté comme un absolu de vérité. Dès lors que cet absolu est posé, il offre l'occasion de voir émerger son antithèse, sa subversion. Le grotesque, le laid, le mensonge, sont des éléments constitutifs de la caricature. En corollaire on peut considérer que le Moyen Age n'a pas connu la caricature : beauté et laideur sont représentatives des vertus et des vices tels qu'ils sont définis par l'ordre chrétien. Chez Bosch par exemple les différentes combinaisons qui organisent les personnages sont essentiellement une représentation des positions morales de l'Eglise et pas du tout des caricatures. Il ne s'agit pas de faire rire mais de faire peur.

La Renaissance, en opérant un retour à l'idée d'une Beauté absolue, à travers la permanence de la forme, vise la fidélité au modèle. Mais en même temps tout écart devient une charge, comme l'indique bien l'étymologie évoquée au début. Et c'est la source d'un beau paradoxe : des artistes comme Vinci ou les frères Carrache, qui ont le plus fait pour formaliser les règles du portrait, ont été aussi ceux qui ont le plus pratiqué la caricature à travers un déplacement de sens. On passe de la ressemblance à l'équivalence. L'observateur reconnaît, malgré les déformations, la personne évoquée et accepte la trahison de la fidélité au modèle.

La physiognomonie remonte à l’Antiquité. Elle entend déduire le caractère d’une personne de son apparence physique rapportée à des traits qui rapproche son visage de celle d’un animal que l’on dote de vertus supposées (renard fourbe, lapin couard et…

La physiognomonie remonte à l’Antiquité. Elle entend déduire le caractère d’une personne de son apparence physique rapportée à des traits qui rapproche son visage de celle d’un animal que l’on dote de vertus supposées (renard fourbe, lapin couard etc). En 1668, C. Le Brun, directeur de l’Académie Royale de peinture et de sculpture remet à l'honneur cette physiognomonie zoologique, qui insiste sur les traits animaux de la face humaine ce qui permet de révéler les facultés de l'esprit ou les caractères. C'est ainsi que l'angle formé par les axes des yeux et des sourcils peut conduire à des conclusions variées, selon que cet angle s'élève sur le front pour se rapprocher de l'âme ou qu'il descend vers le nez et la bouche, considérés comme parties animales.

UNE APOGÉE

La Révolution Française, en libérant l’édition et la presse de la tutelle royale, entraine un foisonnement de la caricature politique qui devient un instrument de lutte pour la liberté. Réprimée sous le 1er Empire, elle prolifère chez les ennemis de la France, ciblant particulièrement Napoléon Ier comme fauteur de trouble en Europe.

Le 11 Juillet 1791, 3 semaines après l’arrestation du roi à Varennes, le transfert des cendres de Voltaire au Panthéon tourne à la manifestation contre le roi Louis XVI et la monarchie constitutionnelle. La Renommée révèle que Rabelais n’est jamais …

Le 11 Juillet 1791, 3 semaines après l’arrestation du roi à Varennes, le transfert des cendres de Voltaire au Panthéon tourne à la manifestation contre le roi Louis XVI et la monarchie constitutionnelle. La Renommée révèle que Rabelais n’est jamais très loin des références du bon peuple de l’époque. Quant à moi je pense à Brassens et aux trompettes de la renommée bien mal embouchées …

A partir du début du 19e siècle la caricature prend une importance considérable, grâce aux moyens de reproduction qui sont mis en œuvre. Jusqu'alors la reproduction des caricatures était fort coûteuse (plaques de cuivre, xylographies), ne permettant pas des tirages en grand nombre. La lithographie change tout : elle permet des reproductions en grand nombre et une diffusion rapide. Par ailleurs c'est aussi le moment où l'alphabétisation en Europe commence à être relativement importante (on considère qu'au début du 19e siècle, environ 30 à 40 % de la population occidentale sait lire). La caricature va alors souvent s'adjoindre une légende – au risque d'y perdre sa force et son invention graphique – et accompagner le développement de la presse. De façon significative, le journal insère la caricature dans la continuité du récit d'actualité, un peu comme dans un film, où, au fur et à mesure de son déroulement, ce sont les images qui assurent le mouvement de la vie.

Le premier journal à systématiser l'usage de la caricature en France, naît en 1830, au tout début de la Monarchie de Juillet, et a pour titre LA CARICATURE. On ne peut faire plus explicite. Créé par un républicain convaincu, Charles Philipon, il subit bien vite les foudres du pouvoir. Contre le rire et l'enthousiasme de l'opposition républicaine pour ce journal, la censure louis-philipparde va intervenir, notamment après la fameuse transformation du portrait de Louis-Philippe en poire.

A partir d’un croquis réalisé lors d'une audience à la Cour d'assises par C. Philipon en novembre 1831, Daumier métamorphose, en quatre images la figure du roi Louis-Philippe. Elle est révélatrice de la perte d’audience de la monarchie de Juillet 1 …

A partir d’un croquis réalisé lors d'une audience à la Cour d'assises par C. Philipon en novembre 1831, Daumier métamorphose, en quatre images la figure du roi Louis-Philippe. Elle est révélatrice de la perte d’audience de la monarchie de Juillet 1 an après son instauration.. Immédiatement publiée par La Caricature elle vaut un procès à Philipon propriétaire du journal. « Ce que j'avais prévu [en publiant la caricature] arriva. Le peuple saisi par une image moqueuse, une image simple de conception et très simple de forme, se mit à imiter cette image partout où il trouva le moyen de charbonner, barbouiller, de gratter une poire. Les poires couvrirent bientôt toutes les murailles de Paris et se répandirent sur tous les pans de murs de France. »

La censure va multiplier les amendes, les saisies, les procès, et même infliger la prison à Philipon. Finalement, en septembre 1835, Louis-Philippe fait interdire par la loi la caricature à but politique(3).

La caricature se déporte alors vers la critique des mœurs, des travers des catégories sociales, des situations de société, etc. On retrouve la même chose après une très brève période de retour à la liberté, entre 1848 et 1851. Après le coup d'état de Napoléon III, sous le Second Empire, la caricature politique est à nouveau interdite. Et Victor Hugo de commenter : « Le pouvoir se sent hideux, il ne veut pas de portrait, surtout pas de miroir ». Il faut finalement attendre la loi sur la liberté de la presse en 1881 pour que toutes les censures soient supprimées. La caricature redevient un élément de combat qui va se maintenir pratiquement jusqu'au milieu du 20e siècle.

« Un vénérable orang-outang » (The Hornet - 22 mars 1871).En leur temps Galilée et Copernic avaient montré que l'homme n'était pas au centre du cosmos. Avec Darwin, qui publie fin 1859 L’Origine des espèces il ne fait plus l'objet d'une création div…

« Un vénérable orang-outang » (The Hornet - 22 mars 1871).

En leur temps Galilée et Copernic avaient montré que l'homme n'était pas au centre du cosmos. Avec Darwin, qui publie fin 1859 L’Origine des espèces il ne fait plus l'objet d'une création divine particulière. L’homme est considéré comme un être naturel qu’il est possible de connaître et d’étudier. L’Eglise anglicane se déchaine et l’évêque Samuel Wilberforce monte au créneau. S’adressant au scientifique Thomas Huxley, défenseur de Darwin il l’apostrophe : « Est-ce par votre grand-père ou par votre grand-mère que vous descendez d'un singe, monsieur Huxley? ».

On prête à la femme de l’évêque une réplique et un aparté

« Vous descendez peut-être du singe mais nous nous descendons de familles honorables »

« Descendre du singe ! Espérons que ce n’est pas vrai. Mais si ça l’est, prions pour que la chose ne s’ébruite pas ! »

Républicain et libre penseur Kupka multiplie les dessins de presse pour vivre. Vite remarquéEn janvier 1902, L’ASSIETTE AU BEURRE lui confie le soin de réaliser une édition spéciale consacrée à « L’ARGENT ». « En tant que pauvre, j’ai vécu avec les …

Républicain et libre penseur Kupka multiplie les dessins de presse pour vivre. Vite remarqué

En janvier 1902, L’ASSIETTE AU BEURRE lui confie le soin de réaliser une édition spéciale consacrée à « L’ARGENT ». « En tant que pauvre, j’ai vécu avec les pauvres, et c’est ainsi que sont nés mes dessins satiriques militants. Pourtant, même dans ces conditions, je me suis toujours attaché à maintenir l’art du dessin à un haut niveau ».

Mais ne l'oublions pas : cette loi introduit la responsabilité des auteurs devant les tribunaux, pour des contraventions à la loi commune, la diffamation en particulier(4). C'est pourquoi tous les débats d'il y a un an autour de la question de la publication des caricatures danoises m'ont paru vides de sens. Le problème n'était pas « Cela jette de l'huile sur le feu » – on sait que c'est la finalité de la caricature – mais bien « Sont-elles diffamatoires ? Sont-elles une incitation à la haine raciale ? ». Questions à régler dans le cadre de la loi, devant les tribunaux. Hors de cela, on se trouve face à des tentatives de réintroduire la censure, voire l'idée de blasphème, bref, d'opérer une régression intellectuelle formidable pour notre société.

Où le rire est un élément essentiel de la vie culturelle, sociale et politique.

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A partir des années 1960 – à part un rebond pendant la crise de 1968 – la caricature "graphique" tend à perdre de son influence(5) (comme la presse écrite, d'ailleurs) au profit d'un autre moyen de communication plus puissant, la télévision. Certes, celle-ci recycle une partie des moyens de la caricature traditionnelle (ainsi dans la physionomie des poupées des « Guignols de l'Info »). Mais la "charge du réel" s'opère essentiellement dans le discours et, de manière bien plus complexe, par des effets de caméra (zoom, travelling, contre-plongée etc ... ) dont le sens est d'autant plus difficile à décrypter que cela passe vite.

CARICATURE ET ART.

L'idéal de l'artiste classique étant de parvenir à l'expression du beau – avec l'idée que le beau est l'expression absolue de la vérité – il vise à la permanence dans l'œuvre. Au contraire la caricature se saisit de l'instant.

Il y a là quelque chose qui vient s'inscrire dans le courant artistique de la fin du 19e siècle. J'y vois une équivalence de l'impressionnisme. Ce courant cherche à saisir la fugacité du moment mais en jouant essentiellement de la couleur : le dessin se dissout, la forme n'est plus qu'allusive. La caricature joue le trait, se débarrassant du problème de la couleur. En introduisant la déformation, elle est pleinement allusive, niant, comme l'impressionnisme, l'exigence du système des Beaux-Arts, de tenir en permanence le trait et la couleur dans un même mouvement.

Sur les décombres de ce système, la caricature va trouver un prolongement artistique dans l'expressionnisme, où le trait déforme, malmène en quelque sorte le dessin. Un artiste comme Daumier, parallèlement à son œuvre peinte, a travaillé en permanence dans le domaine de la caricature : son Don Quichotte en porte les stigmates. Bien d'autres comme Lautrec, Kupka (qui a beaucoup travaillé pour L'ASSIETTE AU BEURRE), Villon même, ont utilisé la caricature, soit à leurs débuts pour gagner leur vie, soit par la suite en en conservant l'esprit dans leur œuvre. Plus nettement encore, elle est – me semble-t-il – à la source de l'expressionnisme chez Grosz, Kirchner, Dix, et s'est prolongée dans certaines expressions picturales de l'art moderne. Que l'on songe seulement à Picasso !

Mais il existe une limite à ce rapport entre la caricature et l'art. Lorsque la caricature abandonne la fugacité de l'instant qu'elle entend saisir pour mettre en place un véritable type nouveau, elle procède comme l'académisme qui entend fixer un registre des passions, des attitudes, des proportions, etc.

On assiste alors à la naissance de stéréotypes qui apparaissent comme l'élément de l'efficacité la plus immédiate de la caricature – comme cela fonctionne dans l'académisme – mais qui, dans le même temps, la privent de sa capacité d'invention et d'ouverture.

Le recours au stéréotype impose le caractère condensé, schématisé et simplifié des opinions. Les sociologues nous disent qu'il s'agit là du résultat d'un principe d'économie : on pense par stéréotype pour éviter d'avoir à réfléchir à tous les aspects de la réalité, pour éviter d'avoir à affronter le nouveau ou l'inconnu. La puissance de l'efficacité du stéréotype tient à ce qu'il est la signification en elle-même : il est donc à la fois absolument rigide, absolument pétrifié. Le rire surprise, preuve de l'éveil de l'intelligence, se mue en rire mécanique, pavlovien, face à une situation déjà connue. Le rire pré-enregistré se porte bien aujourd'hui à la télé ...

Ce dessin reprend la silhouette de l’entrée du camp nazi d’Auschwitz, la pancarte au premier plan indiquant « La bande de Gaza ou les camps israéliens d’anéantissement » (AD-DUSTUR (journal jordanien), 19 octobre 2003)

Ce dessin reprend la silhouette de l’entrée du camp nazi d’Auschwitz, la pancarte au premier plan indiquant « La bande de Gaza ou les camps israéliens d’anéantissement » (AD-DUSTUR (journal jordanien), 19 octobre 2003)

Cette caricature d’Antonio Moreira Antunes pose que la politique américaine initiée par Trump vis à vis de la Palestine est pilotée directement par Israël en la personne du « basset » Netanyahu. (NEW YORK TIMES, avril 2019). Dénoncée comme antisémit…

Cette caricature d’Antonio Moreira Antunes pose que la politique américaine initiée par Trump vis à vis de la Palestine est pilotée directement par Israël en la personne du « basset » Netanyahu. (NEW YORK TIMES, avril 2019). Dénoncée comme antisémite, elle conduit le journal à présenter des excuses puis en juin à annoncer l’abandon de la publication de caricatures de presse.

Caricaturiste algérien, Ali Dilem commence sa carrière au journal Alger républicain en 1989 et travaille actuellement à LIBERTE. Traqué par les intégristes et harcelé en permanence par le pouvoir, il documente au quotidien l’actualité algérienne et …

Caricaturiste algérien, Ali Dilem commence sa carrière au journal Alger républicain en 1989 et travaille actuellement à LIBERTE. Traqué par les intégristes et harcelé en permanence par le pouvoir, il documente au quotidien l’actualité algérienne et ses prolongements vers la France et l’islam.

En écho à l’image 5… Imed Ben Hamida est le caricaturiste attitré de BUSINESS NEWS journal électronique tunisien.

En écho à l’image 5… Imed Ben Hamida est le caricaturiste attitré de BUSINESS NEWS journal électronique tunisien.

Partant d'une singularité par rapport à la norme, on a fait de cette singularité une nouvelle norme qui structure un personnage, un groupe, une situation, qui se trouvent désormais figés dans cette singularité. Si John Bull, l'oncle Sam, Marianne sont des commodités que s'offrent sans grand danger les caricaturistes du début du 20e siècle, la représentation du Juif dans le Stürmer, en Allemagne, pendant la période nazie, a bien alimenté les appels au génocide. Du coup – et de nombreuses expériences l'attestent – le regard perd sa puissance : le stéréotype aveugle. Il est même capable d'affecter le souvenir et d'en inverser le sens.

Plus la période de crise est violente et plus la caricature court le risque de sombrer dans la violence du stéréotype. Il n'est que de revoir pour la France les caricatures réalisées pendant l'affaire Dreyfus (le juif), la guerre de 14-18 (le boche), le Front Populaire (les salopards en casquette), 1968 (la chienlit et les veaux)... Philippe Roberts-Jones, historien spécialiste de la caricature du 19e siècle, note : « Lorsque la caricature est déchaînée et injurieuse, elle n'est que le reflet des bouleversements des passions et des haines de l'époque. La caricature n'est pas responsable de ses propres excès, il faut en accuser la violence des périodes de troubles ». Casser le thermomètre n'a jamais guéri le malade : il n'y a pas à interdire la caricature.

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EN GUISE DE CONCLUSION

Je voudrais revenir sur une formule reprise de P. Desproges qu'on a beaucoup entendue l'an passé : « On peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui ». Mon désaccord est total : on reste dans le rire de complicité, du politiquement correct de l’entre-soi (chacun ayant, bien entendu, une idée de son « politiquement correct »).

Oui, il nous faut rire de tout. MAIS AVEC TOUS : l'avancée vers notre commune humanité est à ce prix ...

NOTES

1 - Ces réactions de “la rue musulmane” – du journalisme tel qu’on le parle ! – révèlent que l'efficacité de la caricature est maximum quand elle s'en prend au "sacré". Le "sacré" est tabou : on ne doit l'évoquer que dans « la crainte et le tremblement » (Kierkegaard).

2 - La bombe trivialement cachée dans le turban du Prophète le « profane » en en faisant un vulgaire malfaiteur. Mais la caricature exploitant les ressources de la métonymie (représentation du tout par la partie) dit autre chose : elle vise ceux qui s'accaparent du Prophète pour justifier leur terrorisme. Pour les incroyants, le rire naît de la tartufferie ; mais pour un croyant sans humour, c'est un blasphème.

3 – Victime corrélative de cette loi, dès 1836, l’opéra de Louise Bertin ne put s’appeler « Notre-Dame de Paris » malgré la rédaction du livret par Victor Hugo et dut se contenter de « La Esmeralda ».

4 - Précisons que la diffamation n'implique que le respect dû aux personnes, ce qui ne s'identifie aucunement à leurs croyances, mœurs, us et coutumes. Nul ne peut me faire tenir pour sacré ce que lui-même tient pour tel...

5 - ... ou migre pour partie dans la BD et dans le dessin de presse.

Jean Barrot








































PRINCIPAUX MYTHES GRECS CHAPITRE 4

Connaissance & Partage

Dionysos, après avoir été élevé par les Hyades, rejoignit Zeus sur le Mont Olympe où il fut nommé « Dieu des Vendanges ». Cependant, les autres divinités ne le prirent pas très au sérieux étant donné les origines de sa naissance même s’il joua un rôle important dans l’origine des mythes et notamment des constellations.

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Dionysos par le Caravage

Pour commencer, j’évoquerai son aventure amoureuse avec Ariane, la fille du roi Minos de Crête et la sœur de la célèbre Phèdre.

Cette légende est celle du Minotaure que je ne ferai qu’effleurer étant donné que j’ai prévu plusieurs chapitres sur ce monstre mi-homme, mi-taureau.

Aidé par Ariane, le prince Athénien Thésée, tua le Minotaure et, en témoignage de son amour, le héros lui offrit une couronne sertie de diamants et de perles du plus bel effet. Tous deux s’enfuirent de Crète en bateau dans l’idée de retourner à Athènes et de se marier. La distance étant imposante, en route ils firent halte dans une île mais au cours de la nuit Ariane fit un rêve étrange. Le dieu Dionysos lui apparut en songe en lui demandant de rester sur l’île, de quitter Thésée et de l’attendre car il voulait l’épouser.

Ariane était inconsolable car, selon la tradition grecque, lorsque l’on rêvait à un dieu, on lui devait obéissance et totale dévotion.

La mort dans l’âme, Thésée abandonna donc Ariane sur l’île alors que sur la mer, attendaient les nombreuses embarcations de la flotte du dieu des vendanges. Il repartit seul vers Athènes alors que le dieu débarquait sur l’île.

Certes Dionysos constata la tristesse d’Ariane qui n’acceptait qu’à contrecœur le départ de son bien aimé. Pour la consoler et lui prouver sa véritable puissance, il se saisit de sa couronne et la projeta vers le ciel et les étoiles où elle devint la constellation de la COURONNE BORÉALE (1).

La constellation de la COURONNE BOREALE

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La couronne boréale qu’il aurait été plus logique de nommer « La Couronne d’Ariane ».

(1) On dit cette couronne « boréale » car dans l’hémisphère sud, il y a une autre couronne appelée « australe »

Bonne lecture

Bob

LIBAN COMMUNAUTAIRE

Connaissance & Partage

LIBAN

COMMUNAUTAIRE

A rebours d’une opinion généralement très favorable au Liban, un temps considéré dans les années 50-60 comme la Suisse du Proche Orient, l’historien orientaliste Maxime Rodinson dans une tribune du Monde de 1989 – «De la peste communautaire » – suite à « l’affaire des foulards » de Creil y voit un véritable cauchemar : l’État comme fédération de « communautés ». Ce qui a conduit dans l’environnement régional très conflictuel après la « Guerre des 6 jours » à une interminable guerre civile qui s’amorce à partir de 1967 et qui n’a jamais vraiment cessé depuis, alimentée par les interventions plus ou moins directes des voisins, qui trouvent un relais dans les factions et les milices qui clivent la population libanaise.

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LA PREMIERE QUESTION A AFFRONTER EST DE VOIR CE QUI DANS LE SYSTEME LIBANAIS EMPECHE DE FAIRE SOCIETE.

Précisons ce terme : faire société présuppose le regroupement de personnes libres, souveraines dans leurs choix, qui peuvent en changer au fil du temps, ce qui a pour corollaire le respect de l’opinion des autres, sans que la diversité des opinions ne soit remise en question par la volonté hégémonique de l’une d’entre elle. La forme politique « Etat » est ce qui doit permettre de maintenir la fluidité des positions au sein de la société tout en organisant sa cohésion. Mais contradictoirement cette forme s’est forgée au fil de l’histoire comme l’expression et le moyen d’exercice du pouvoir d’un groupe, d’une classe, d’une caste etc. La résolution de cette impasse apparente réside dans l’option de la « République », forme appelée à gérer le bien public pour garantir le bon fonctionnement en « société ». L’égalité fondamentale des personnes trouve sa réalisation dans la « citoyenneté ». Comme les personnes sont en permanence libres de leur choix, le pouvoir qu’exerce l’Etat peut en permanence être interrogé, contesté, renversé (ce qui se passe actuellement au Belarus en est une illustration flagrante). Cet « ordre », toujours instable et transitoire, implique donc la responsabilité du « citoyen » comptable du bon fonctionnement de la société par la discussion, le débat, la confrontation des opinions qui mutent au fil des transformation des conditions sociales. Quand un peuple fait « société », la conflictualité des opinions se résout sous la loi du droit commun, tout citoyen pouvant avoir des adversaires mais pas d’ennemis, tant que ce droit commun, garantissant le respect des personnes et des opinions, sans cesse réévalué par la jurisprudence, est respecté.

Le communautarisme refuse précisément ce droit commun, refus qu’il justifie par l'appartenance à une « communauté » spécifique (ethnique, religieuse, linguistique, sexuelle etc.) lieu préalable d’assignation des individus, ainsi privés de leur reconnaissance comme personne libre et changeante. Le communautarisme exige de régler les problèmes qui surviennent entre ses membres, ou les impliquant, selon des lois propres, dérogatoires à la loi commune. Pensez aux « expéditions punitives » tchétchènes à Dijon et à Saint-Dizier en ce mois d’août, encensées par ce « démocrate » avéré qu’est Kadyrov : « Je pense que les actes des Tchétchènes ont été corrects ! ». Le communautarisme apparaît comme la réactivation d’une structure bien acceptée dans les systèmes politiques de type Empire mais contre lesquels la Révolution française a cherché à faire naitre une « Nation », un peuple souverain et solidaire, portée par l’option de la « République ». Si l’idéal reste à mon sens inatteignable – l’idée d’un effacement des conflits, d’une disparition des contradictions, d’une « fin de l’histoire », relevant du fantasme – un grand pas a été fait en 1905 en coupant radicalement le cordon ombilical associant Etat et Religion. Car pour désamorcer la contestation, tous les pouvoirs ont eu tendance à revendiquer un mandat divin pour se légitimer vis-à-vis de « sujets ».

La laïcité, en désacralisant le pouvoir, en le révélant pour ce qu’il est, un rapport de force social éminemment transitoire, est un des fondements de la liberté des personnes et de l’exercice de la citoyenneté.

QU’EN EST-IL AU LIBAN ?

Se définissant comme une République, l’article 9 de sa constitution pose le principe de « la liberté de croyance » mais précise tout de suite que « l'État, en s'acquittant des devoirs de révérence envers Dieu Tout-Puissant respecte toutes les religions et sectes » et qu’ « il garantit également aux personnes de confessions différentes le respect du système de statut personnel et des intérêts religieux ». [c’est moi qui souligne]. Le code pénal libanais punit les personnes qui accomplissent des actes considérés comme un blasphème contre le nom de Dieu et impose des sanctions pénales aux personnes qui insultent publiquement les pratiques religieuses de quelque religion que ce soit.

Les questions de droit privé relevant du statut personnel (comme le mariage, la filiation, les successions) sont traitées par les juridictions de chacune des 18 communautés religieuses reconnues par l’État (douze chrétiennes, cinq musulmanes et une juive). Chaque communauté possède sa propre juridiction et gère ses propres organisations sociales et éducatives.

Ce pays fait donc reposer son existence sur le confessionnalisme.

On conçoit dans de telles conditions qu’Hassan Nasrallah, le chef politico-religieux de la « communauté chiite », ait tourné en dérision les appels des manifestants dans la rue au « dégagisme » du personnel politique corrompu – le Hezbollah en fait partie – pour la constitution d'un gouvernement "neutre", affirmant qu'il "n'existe pas de personnes neutres au Liban" (dépêche AFP 14/8/2020).

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Dans sa réalité, ce pays a été « inventé » par la France, en digne « fille aînée de l’Eglise » à partir du 19e siècle sous le pouvoir de Napoléon III « le petit », venant au « secours » des chrétiens du Mont Liban, persécutés par les musulmans des régions voisines. Son territoire est découpé en 1920 dans l’espace confié par un mandat de la Société Des Nations à la France en conclusion du démembrement de l’empire Ottoman. Le mandat entérinait le partage conclu en 1916, au cours de la guerre, entre la France et la Grande Bretagne par les accords Sykes-Picot dans le plus pur esprit colonial qui règne alors. La France entreprend d’occuper le territoire promis dès le 8 octobre 1918 – débarquement à Beyrouth et occupation de la côte – alors que la guerre se poursuit avec l’Allemagne. Un royaume arabe tente de s’implanter sur le territoire syrien avec Fayçal à sa tête et Damas comme capitale, comme cela avait été promis par les Britanniques qui ont poussé à la révolte arabe contre le pouvoir turc ottoman. Mais la France ne l’entend pas ainsi et s’en tient aux accords Sykes-Picot : elle fragmente les territoires occupés en micro-états (des Alaouites, du Liban, des Druzes, d’Alep, de Damas) puis, forte des résolutions du traité de Sèvres, son armée occupe Damas au cours de l’été 1920 (mais la conquête du territoire durera 3 ans !), tandis que le Mont Liban peuplé de chrétiens décide de son indépendance par rapport à la Syrie musulmane.

Le 1er septembre 1920, le général Gouraud proclame la création de l'État du Grand Liban. Pour rendre viable cet état dont la population chrétienne est concentrée dans le nord de la montagne libanaise et en noyau à Beyrouth – constitué après la création du port par la France en 1887 – il a englobé dans ses frontières, sous la pression du patriarcat maronite, de larges parts de territoires agricoles peuplés de musulmans. Ce Grand Liban, pure création confessionnelle, se proclame République en 1926 dans le cadre du mandat français, mais structurant le système étatique dans un partage communautaire religieux entre chrétiens sunnites et chiites. L’indépendance n’est acquise qu’en 1943, la fin du mandat étant imposée par la puissance britannique aux représentant d’une France vaincue et occupée et d’une France Libre encore dans les limbes.

L’organisation politique confessionnelle, amorcée sous le mandat est entérinée dans la constitution du pays sur la base d’une distribution des pouvoirs selon la composition religieuse de la population du pays en 1932, premier et unique recensement réalisé. Comme si l’Histoire s’était figée depuis bientôt un siècle…

Vous comprenez maintenant pourquoi Macron s’est précipité au Liban après l’explosion dans le port de Beyrouth.

CE DRAME A DECLENCHE UNE VAGUE DE SOLIDARITE POUR « AIDER LE PEUPLE LIBANAIS ».

MAIS C’EST QUOI « LE PEUPLE LIBANAIS » ?

Lors du recensement de 1932, on compte 785 mille habitants. Les chrétiens sont alors majoritaires – un peu plus de 51% - mais d’obédiences diverses : les maronites sont 226 mille mais il y aussi de forts contingents de grecs orthodoxes, de grecs catholiques, d’arméniens myaphisites, etc. Chez les musulmans, les sunnites dominent – 195 mille – devant les chiites – 136 mille– et les druzes.

Mais aujourd’hui savoir combien il y a de Libanais relève du casse-tête. Faute de recensement on ne peut que retenir des estimations d’autant plus contestées et contestables que chaque communauté tend à gonfler ses effectif pour justifier ses revendications dans le partage du gâteau accessible par le pouvoir : le Hezbollah avance le chiffre de 65 % de musulmans dont 40 % de chiites alors que l'Église maronite cite le chiffre de 50 % pour les chrétiens. Selon l'Annuaire de la démographie religieuse internationale de 2019, il y aurait 38% de chrétiens et 62% de musulmans (avec peut-être plus de chiites que de sunnites, mais à moins de 30% chacun selon les estimations les plus crédibles), ce décompte étant effectué sur les personnes ayant le droit de vote aux élections législatives au Liban.

Trois facteurs sont à prendre en compte pour aborder ce problème démographique :

*Avec les conflits à ses frontières, une masse considérable de réfugiés, Palestiniens pour les plus anciens, Syriens pour les plus récents, résident dans le pays. Prenons le cas des Palestiniens. L’UNRWA (L’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine) en compte 475 mille, l’Université américaine de Beyrouth les estime autour de 270 mille, tandis que le Bureau Central des Statistiques Palestinien en dénombre 175 mille. Pour les Syriens les données varient de 1,2 million à plus de 1,5 million dont environ 500 mille enfants.

*L’émigration à toujours été une tendance forte à partir de la fin du 19e siècle et s’est accélérée durant la période de la guerre civile (1975-1990) surtout pour les chrétiens et s’est maintenue depuis les années 80 sur un rythme soutenu mais avec désormais une prédominance nette des musulmans. Une vaste et puissante diaspora de l’ordre de 4 millions de Libanais pour la génération la plus récente, est estimée à plus de 14 millions en intégrant 4 générations depuis les premières vagues, dont plus de la moitié réside au Brésil (6 M.) et en Argentine (1,5 M.)

*L’afflux récent de population a généré un véritable baby boom dans le pays. Alors que le taux de fécondité continue à décroître chez les Libanaises « de souche », il reste nettement supérieur à 2,1 chez les immigrées. Mais comme le droit libanais ne reconnaît pas le droit du sol, ces enfants nés au Liban depuis une décennie sont apatrides, donc sans droits.

Pour une population qui était encore estimée inférieure à 3 M. d’habitants en 1990, à la fin de la guerre civile, l’estimation la plus récente que j’ai trouvée (juillet 2020 ) est de peu inférieure à 8 M. Si l’on déduit environ 2 M de réfugiés ou d’étrangers résidents, on constate un doublement de la population libanaise « de souche » dont la moitié s’agglutine à Beyrouth (3M), mais dans un espace nettement ségrégé depuis la guerre civile, et à Tripoli (1M).

Dans ces conditions, la distribution du pouvoir selon le rapport de force des communautés de 1932 même amendée à la marge par les accords de Taëf (1989) n’est vraiment plus de mise. Mais conserver le système tel quel, maintient l’opacité sur la composition de la population – qui voulez-vous aider et comment dans ces conditions ? – favorise les proliférations mafieuses et la corruption généralisée qui dès les années 60 qui ont conduit à la guerre civile, prolongée par l’occupation syrienne et désormais par l’ingérence iranienne. Chaque clan, pour défendre ses ressources et son territoire – Beyrouth Ouest musulman contre Beyrouth Est chrétien – s’est doté alors d’une milice armée, dont la plus puissante est celle du Hezbollah auréolée de sa résistance à l’occupation israélienne du sud Liban.

LE COMMUNAUTARISME C’EST AU MINIMUM LA MAFIA AU PIRE LA GUERRE CIVILE.

Bien au-delà du Liban et le plus souvent sur une base confessionnelle le communautarisme exacerbe les tensions et ravage les « Etats nations » créés lors de la décolonisation et la fin de la Guerre froide, du plus grand – Modi revendiquant une Inde purement hindouiste – au plus petit – le démantèlement de la Yougoslavie à nos portes en offrant son lot de confettis mafieux (pensons au Monténégro déjà né et au Kossovo peut-être à naître…). Et cela quelle que soit la religion : catholiques et protestants en Ulster, vieil héritage des guerres de religions de l’Europe occidental, bouddhistes contre tamouls hindouistes au Sri Lanka, bouddhistes contre musulmans au Myanmar, musulmans contre chrétiens et animistes en Centrafrique et au Soudan débouchant dans ce dernier cas sur la sécession du Sud Soudan. L’actualité vous permet d’allonger cette liste sans peine…

Le Liban constitue cependant un cas d’école.

Il illustre parfaitement la thèse que défend l’anthropologue Maurice Godelier dans son ouvrage LES TRIBUS DANS L’HISTOIRE ET FACE A L’ETAT (CNRS Editions – 2010) : « Si bien des tribus ont été à l’origine de divers Etats, beaucoup d’entre elles n’ont pu continuer d’exister que parce qu’un Etat les soutenait dans leur existence ».

De 1920 jusqu’en 1975, 26 familles, à base clanique, féodale ou commerçante dans l’Empire Ottoman, vont monopoliser à elles seules le tiers des sièges de députés, avec une continuité sans faille. Aujourd'hui encore, on hérite souvent, de père en fils, des sièges de députés et des présidences des partis. La guerre civile (1975-1990) marque une rupture toute relative : les milices vont fonctionner comme des appareils de mobilité sociale ascendante pour les enfants des classes moyennes, Aoun poussé par le clan Gemayel et Hariri émergeant grâce à son succès économique mais relais du clan syrien des Assad. Mais leurs chefs sont restés des membres des grandes familles. Seul le Hezbollah qui se forme au début des années 80 présente une configuration nouvelle, inspiré des partis de style soviétique, les grandes familles chiites féodales du Sud et de la Bekaa – Zein, Osseirane, Hamadé, Khalil, Asaad – étant laminées dès le début de la guerre.

Comme le Liban s’est formé autour du noyau chrétien maronite, ce sont les familles de ce groupe – les Gemayel, Frangié, Lahoud, Chamoun, Mouawad entre autres – qui ont dominé jusqu’en 1975. Depuis la fin de la guerre civile, elles sont en perte de vitesse mais conservent au niveau local, une base forte fonctionnant en clientèle. Les familles sunnites ont, elles aussi, vu leur influence s'effriter depuis la fin de la guerre, en partie parce qu'il n'y a jamais eu de milice sunnite proprement dite mais surtout parce qu’aucune n’a été en mesure de faire contrepoids aux Hariri, soutenus par l’Arabie Saoudite.

Les émigrations massives de chrétiens et de sunnites ainsi que les dynamiques démographiques ont renforcé le poids de la communauté chiite qui a évoluée d’une tentation « socialiste » à un intégrisme religieux devenant par ses financements un instrument de la géopolitique de l’Iran : du communisme au khomeinisme en quelque sorte…

Le pouvoir actuel a pour pivot l’alliance entre le Hezbollah de Hassan Nasrallah et le Courant patriotique libre de Michel Aoun avec en renfort le mouvement Amal de Nabih Berri et en poire pour la soif Saad Hariri, à qui la consolidation du pouvoir d’Assad en Syrie offre un avenir. Leur ciment ? le rejet des Palestiniens, des réfugiés syriens, majoritairement sunnites hostiles à Assad et la volonté farouche de maintenir en place le système. Tous peuvent se satisfaire des propositions d’aide internationale mais pas de ses conditionnalités (pas d’enquête internationale sur l’explosion du port par exemple) mettant en cause la nature maffieuse de l’Etat. Et comme les politiques de l’opposition ont tout autant profité du système, on comprend le dégagisme que revendiquent les manifestants dans la rue depuis le drame.

Car le plus grave est à venir pour le pays. Ayant calé sa monnaie sur le dollar, le pays s’est lancé dans une course folle pour attirer les capitaux étrangers – en particulier ceux de la diaspora – en proposant des taux de rendement délirant (jusqu’à 18% !). Tout le système bancaire libanais, cautionné par la Banque centrale, s’est lancé dans une pyramide de Ponzi (les intérêts sont financés grâce aux nouveaux capitaux déposés). Aujourd’hui, toutes les banques libanaises sont techniquement en faillite. Pour l’éviter, les comptes des déposants sont bloqués, la Banque centrale laisse la monnaie se déprécier à grande vitesse et les services de base ne sont plus financés (les hôpitaux ne sont pas payés depuis deux ans !). Mais cet argent n’a pas été perdu pour tous le monde. Hady Farah, fondateur de Hiram Finance et membre très influent de la diaspora, estime à plus de 40 milliards de dollars le total des fonds détournés par les hommes politiques libanais, tous partis confondus. Comme les envois de fond de la diaspora avoisinent les 7 milliards de dollars par an (7,2 en 1918) « Ceux qui ont travaillé cinquante ans pour se construire un petit trésor au Liban risquent de tout perdre ».

Avez-vous dans ces conditions, envie de remplir le tonneau des Danaïdes ?

EN GUISE DE CONCLUSION JE VOUS OFFRE « L’ELEPHANT ROSE » DE L’ECRIVAIN AMIN MAALOUF

[Les citations sont extraites d’une interview accordée au Point le 13-8-2020]

« Ce qui a causé le drame, c’est la corruption, et c’est l’incurie. Le pays est truffé de zones de non-droit où les diverses factions se livrent à leurs trafics lucratifs.[… ] Seul un État fort et omniprésent aurait pu souder la population libanaise, renforcer les liens entre les citoyens et les pouvoirs publics, et réduire de la sorte la dépendance des Libanais envers les dirigeants de leurs communautés respectives ».

La condamnation est sans appel mais la solution laisse plus que rêveur : « Il faudrait une initiative globale à laquelle prendraient part les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies : la France, les États-Unis, la Russie, la Chine et le Royaume-Uni. J’insiste : tous les cinq, ensemble et, dans un premier temps, personne d’autre, sauf peut-être l’Union européenne. Ensemble, ils mettraient en place une administration provisoire, chargée de reconstruire le pays sinistré dans tous les secteurs qui ne fonctionnent plus ».

Comment penser à ce « miracle d’unanimisme » pour sauver le Liban alors que depuis plus d’un demi siècle les résolutions concernant Israël et la Palestine, votées à l’ONU, restent lettres mortes. Comment penser que les Etats Unis qui ont sabordés l’accord sur le nucléaire avec l’Iran vont s’entremettre pour un pays qui ne représente rien pour eux ?

« Être libanais, c’est croire profondément en la nécessité impérative d’une coexistence harmonieuse, et peut-être même fusionnelle, entre les différentes composantes de l’humanité… Et, en cela, je suis et je resterai libanais jusqu’à mon dernier souffle ».

Ce que Maalouf définit comme « libanais » est ce que j’appelle un « républicanisme laïc » dans le début de ce texte. Il faut faire confiance aux manifestants dans leur rejet du confessionnalisme qui, outre la structuration maffieuse du pays, est un vecteur des ingérences des puissance voisines.

« Libanais, sauvez vous vous-même,

ni Dieu ni César, ni tribuns… »

Mais sortir des griffes des maffias n’est ni simple ni rapide, l’exemple de l’Italie nous le rappelle sans

cesse : l’assassinat d’Hariri en 2005 fait écho à celui du juge Borsellino en 1992.

Le 19 Août 2020

Jean BARROT


















PRINCIPAUX MYTHES GRECS CHAPITRE 3

Connaissance & Partage

CHAPITRE 3 :

Zeus et Sémélé

22 octobre 2020

Sémélé était confrontée à un dilemme : allait-elle accepter de ne rien savoir sur son amoureux ou allait-elle l’affronter et risquer de perdre la vie et celle de son enfant ?

Elle choisit l’honneur plutôt que la couardise :

« Je te le demande pour la dernière fois : Pourrais-tu me jurer sur les Eaux Sacrées du Styx que tu es un simple fermier et non un aventurier ? »

« Hélas non, claironna Zeus : En réalité, je suis le Maître du Monde, je suis Zeus le Dieu de l’Olympe et, puisque tu me le demandes, je vais t’apparaître dans mon état réel. »

ZEUS PAR “ FINE ART AMERICA ”

ZEUS PAR “ FINE ART AMERICA ”




Aussitôt, ce fut comme si le feu de l’enfer jaillissait de son corps. La chaleur devint si intense que la pauvre Sémélé fut happée par de gigantesques flammes et son corps disparut en quelques minutes. Zeus se précipita sur elle avec un grand couteau et, avant que la chaleur ne la consume entièrement, retira de son corps l’embryon qu’elle portait.


Comme l’enfant n’était pas viable, avec le même couteau, Zeus se fit une large entaille dans sa cuisse et y enferma le bébé à naître. Ensuite, avec des fils de chanvre venant de la tunique de Sémélé, il recousit sa plaie. Quelques mois plus tard, l’enfant lui semblant prêt à naître, il retira les fils de chanvre et confia le nourrisson à Hermès, le Dieu des voyageurs, des Commerçants et des Voleurs…

Hermès éleva l’enfant les premiers mois puis le plaça chez les nymphes du Mont Nysa que l’on appelait aussi les Hyades. Ce sont elles qui décidèrent de l’appeler Dionysos, nom qui signifie le « Dieu du Nysa ».

Devenu adulte Dionysos demanda à Zeus d’honorer les nymphes en les plaçant parmi les étoiles où elles devinrent l’amas des Hyades qui appartient à la constellation du Taureau.

La constellation du taureau

La constellation du taureau

Nous verrons, au cours des textes suivants, que Dionysos fut l’initiateur de deux autres constellations, comme la Couronne Boréale et le Bélier.

(à suivre)

Bonne lecture

Bob

PRINCIPAUX MYTHES GRECS CHAPITRE 2

Connaissance & Partage

Zeus et Sémélé : Chapitre 2

La rencontre avec Béroé, son ancienne nourrice, avait laissé Sémélé perplexe. Serait-il possible que le beau fermier dont elle était amoureuse soit, en réalité, un escroc sans scrupules ? Serait-il possible que ce soit un séducteur qui abandonne les jeunes filles qui tombent dans ses bras après avoir profité de leur jeunesse ? Etait-il possible que, de jurer sur les Eaux Sacrées du Styx, puisse condamner à une mort certaine le parjure ?

La pauvre jeune fille en était là de ses réflexions lorsqu’elle vit apparaître son amoureux. Cette fois-ci encore, il arrivait avec un nouveau cadeau.

Zeus et Sémélé

« Bonjour mon amour ! Vois-tu, Je n’ai pas pu résister à ce petit collier qui, déjà, s’enorgueillit d’être suspendu à ton cou si fin et délicat. Laisse-moi te l’accrocher, veux-tu ? »

« Mais tu es fou, mon bel adorateur, de dépenser tant d’argent pour moi alors que nous nous fréquentons depuis quelques semaines à peine. »

« Pas besoin de mois et de mois pour ressentir un profond attachement au fond de son coeur, répondit Zeus.»

« Moi aussi, j’ai un cadeau pour toi, fit son amoureuse. »

« J’ai hâte de le connaître, fit Zeus. J’espère que tu ne t’es pas ruinée pour me satisfaire. »

« Ne crains rien, mon amour. Ce cadeau est gratuit car je porte un enfant de toi ! »

Le Maître de l’Olympe eut du mal à cacher son embarras car il n’avait pas du tout l’intention de rester avec Sémélé et surtout d’élever son enfant, ce gêneur qui allait se mettre entre sa mère et lui. »

ZEUS et SÉMÉLÉ PAR LE CARAVAGE

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« Je crois qu’il est temps que tu rencontres mes parents, minauda Sémélé et que nous fassions de solides projets, comme le font tous les couples. » « Mais il n’y a pas d’urgence, fit Zeus, qui se trouvait gêné. » Comment allait-il se sortir de cette situation surtout que, de son côté, Sémélé insistait pour qu’ils construisent ensemble une petite famille. Devant le peu d’enthousiasme de son amoureux, elle lui confia ses doutes.

« Vois-tu, mon chéri, je voudrais connaître ta vraie nature. Mon ancienne nourrice m’a laissé entendre que tu ne serais pas un riche fermier mais un escroc qui profite de la crédulité des jeunes filles. Dis-moi qu’elle se trompe car j’ai un léger pressentiment »

« Je te conseille de ne pas suivre les conseils des vieilles folles qui… »

« Ma nourrice n’est pas une vieille folle, le coupa Sémélé et je lui fais entièrement confiance. Elle m’a demandé à ce que tu m’apparaisses sous ton véritable aspect, ton état normal en quelque sorte. Cela ne devrait pas être insurmontable pour toi ? »

« Même si tu l’adores, ton ancienne nourrice t’a mis de drôles d’idées dans la tête, s’écria le Maître de l’Olympe et je te conseille de ne plus la rencontrer. Même s’il ne s’agit pas d’une vieille sorcière, il s’agit d’un personnage dangereux. Ce serait stupide de me poser une telle question sur mon aspect. Je suis un fermier des environs et je suis amoureux de toi ! Tout simplement ! »

« Ne t’énerve pas, mon amour. Si tu dis vrai, je suppose que cela ne te gênera pas de me le jurer, sur les Eaux du Styx, et de me dire quelle est ta vraie nature ? »

« Qui t’a parlé de ces serments sur les Eaux Sacrées du Styx ? Il s’agit là de questions réservées aux divinités et non aux fermiers comme moi ! »

« Tu n’as donc rien à craindre, répondit sèchement Sémélé. Puisque tu n’es pas un dieu, pour la dernière fois, je te demande de jurer sur les eaux du Styx que tu es un humain, comme les autres. »

« Gare à toi, Sémélé ! Si je te jure cela, notre union sera définitivement terminée, s’écria Zeus ! »

« Je préfère mourir plutôt que de vivre dans le doute et je refuserai de mettre au monde notre enfant, issu d’une union incertaine! »

«Tu veux vraiment savoir qui je suis ?. Veux-tu vraiment que je le jure sur les eaux Sacrées du Styx ? «

Quelle sera la décision de Sémélé ? Va-t-elle oser affronter son amoureux ou va-t-elle avoir trop peur de mourir et de perdre son enfant ?

(à suivre)

Bob




PRINCIPAUX MYTHES GRECS CHAPITRE 1

Connaissance & Partage

Pourquoi dit-on que certains se croient.

« SORTIS DE LA CUISSE DE JUPITER » ? (1)

C’est encore la conséquence d’une aventure amoureuse de Zeus. Ce dieu, au coeur d’artichaut, tombait en pamoison dès qu’un beau minois croisait sa route (et à l’époque, il y en avait beaucoup !…).

Donc Zeus, sous l’apparence d’un mortel, tomba amoureux dès qu’il vit la ravissante Sémélé, la fille d’Harmonie et de Cadmos, le fondateur de Thèbes. Celle-ci rêvait au bord d’une rivière, tissant une écharpe avec la laine des moutons dont elle avait la garde. Il s’approcha en silence et s’assit à ses côtés.

« Voilà plusieurs jours, ma belle, que je te vois guider tes moutons. Je me suis bien caché mais j’ai eu l’immense joie d’apercevoir tes yeux et depuis, je rêve de m’y noyer. Pour moi, tu es partout, aussi bien sur ma houe que sur mes fourches ».

Un autre soir, en début de nuit, il lui montra le ciel :

« Regarde ces étoiles comme elles brillent chaque fois que tu es là. C’est parce qu’elles emmagasinent la lumière de tes yeux. »

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Sémélé ne sut que répondre tant les éclairs qui jaillissaient des yeux de Zeus étaient puissants. Elle bredouilla quelques paroles inintelligibles si bien que, se sentant encouragé par ce profond émoi, le Dieu du ciel osa lui donner une léger baiser sur la joue. Bien entendu, connaissant le pouvoir ensorceleur du Maître de l’Olympe, ces nouveaux amis devinrent rapidement de nouveaux amants.

Zeus et Sémélé de RUBENS

Musée Royal des Beaux-Arts de Belgique

De son côté Héra, devinant que son mari avait une nouvelle maîtresse, mena sa propre enquête.

Lorsqu’elle apprit qu’il s’agissait de la belle Sémélé, elle prit les traits de Béroé, sa vieille nourrice, et la rencontra en sa demeure.

« Bonjour Béroé, fit Sémélé en se jetant dans ses bras. Comme je suis heureuse de te voir mais que viens-tu faire par ici ? »

« Il y a longtemps que je ne t’avais pas serrée contre moi et, comme je passais dans les environs, j’ai voulu faire un détour pour te saluer. »

« Cela me touche vraiment, fit la jeune fille. Comment va ta santé ? »

« Je suis en pleine forme et bien des personnes de mon âge ne peuvent en dire autant. Mais là n’est pas le sujet. J’ai fait un détour pour te rencontrer car j’ai entendu dire que tu avais un homme dans ton coeur. Je crois le connaître et je doute qu’il soit capable de te rendre heureuse. Bien des jeunes filles sont tombées sous ses charmes et, aujourd’hui, toutes pleurent l’amour qu’il leur avait promis. Si j’ai un conseil à te donner, méfie-toi de lui !»

« Et pourquoi me méfierai-je, s’étonna Sémélé ? Il est doux, gentil, généreux. Pourquoi ne pourrait-il m’aimer toute la vie comme il le dit ? »

« Parce qu’il ne t’a pas dit exactement qui il était, répondit Héra. Si tu le veux, je te suggère de lui poser une question bien simple : QUI ES-TU VRAIMENT ? POURRAIS-TU M’APPARAÎTRE SOUS TA FORME VÉRITABLE ? »

« Mais je sais qui il est, affirma Sémélé et il me l’a dit ! Il s’agit d’un brave fermier des environs. Certes il est aisé et fortuné mais il m’aime, sincèrement et profondément ».

« Cela, c’est ce qu’il te dit mais je doute que ce soit la vérité, fit Héra qui commençait à s’énerver. C’est bien simple, je te propose de lui demander quelle est sa vraie nature. Cependant il doit, avant de te donner sa réponse, jurer qu’il s’agit de la vérité et ce, sur les eaux du Styx. »

« Je ne comprends rien à tes paroles, fit Sémélé. Que viennent faire ici les eaux du Styx dans cette histoire ? »

« Le Styx est un des fleuves des Enfers et lorsque l’on jure sur ses eaux sacrées, il est impossible de mentir, même pour un personnage important et même pour un Dieu. »

Sémélé va-t-elle oser demander à Zeus de lui donner une réponse si sacrée ?

A suivre.

Bob

(1) On devrait dire « sortir de la cuisse de Zeus » puisqu’il s’agit d’une légende grecque et non latine.

GAÏA, ZEUS and C°- CHAPITRE 18

Connaissance & Partage

CHAPITRE 18 ET DERNIER

Typhon était sûr de sa victoire. Les Parques ne lui avaient-elles pas offert des fruits destinés à lui redonner toutes ses forces ? Mais ce qu’il ignorait, c’est que les Parques étaient les alliées de Zeus et qu’elles l’avaient aidé dans sa lutte contre les Géants. Les fruits offerts à Typhon avaient un effet contraire à celui annoncé: elles contenaient un produit émollient.

Lorsque son combat contre Zeus reprit à nouveau, petit à petit le monstre sentit ses forces diminuer. Se sentant inapte au combat, il commença à reculer pour finir par s’enfuir et se diriger vers le Mont Haemos en Thrace. Il eut juste assez de force pour jeter des rochers sur Zeus qui le poursuivait. Le Maître de l’Olympe, maniant avec adresse ses éclairs, les dirigea sur les projectiles, les renvoyant ainsi à leur expéditeur. A demi écrasé, Typhon hurlait à pleins poumons tandis que des flots de sang noir jaillissaient en saccades de son corps. Dans un ultime effort, il réussit à se dégager et à se traîner jusqu’en Sicile sous le regard moqueur de Zeus qui le suivit sans l’agresser.

Soudain, Typhon poussa un cri bref et fut cloué au sol. Zeus venait de l’ensevelir en projetant sur lui le Mont Etna. C’est en Sicile que finissent les malfaisances de Tyhon. De nos jours encore, les Siciliens sont terrorisés par ses colères car le monstre, étant immortel, se réveille parfois.

Zeus avait définitivement triomphé et Gaïa était enfin vaincue. Désespérée, écœurée par la vaillance de son petit-fils, elle ne tenta plus rien contre lui. Certes restaient ses maux d’estomac tout en reconnaissant qu’ils étaient moins douloureux depuis que la magicienne Métis lui fournissait de puissants calmants. Elle fonda de nombreux lieux de culte, notamment le sanctuaire pythique de Delphes. Contrairement à Zeus, elle fut honorée en de nombreux temples et autels comme à Samos, en Eubée et à Naxos.

Le Maître de l’univers s’établit définitivement sur le Mont Olympe avec Héra, son épouse, et les autres divinités. Les journées passaient paisibles et, un soir, le couple divin évoqua la façon dont Zeus avait conquis Héra.

« Te souviens-tu de notre rencontre dans les bois du Mont Olympe ? »

« Bien entendu que je m’en souviens, répondit Héra. Tu as rusé pour me séduire. Tu avais provoqué un orage et tu t’étais transformé en coucou. »

« Lorsque je t’ai aperçue, expliqua Zeus, d’un battement d’aile, je suis venu m’abriter sous ta tunique. »

« Mais très vite tu as repris ton apparence habituelle et tu m’as prise dans tes bras en faisant le serment de me prendre pour épouse, fit Héra émue. »

« J’ai bien aimé le Pommier Sacré que Gaïa nous offrit lors de notre mariage. »

« Ce Pommier, chargé de Pommes d’or, permettait à l’audacieux mortel qui cueillait une pomme de devenir immortel. » (1)

L’échange amoureux entre les deux divinités concluait on ne peut mieux la longue période de guerre qui s’achevait.

La paix régnait maintenant dans le palais olympien. Dans le ciel, la constellation d’Héraclès étincelait (2). Certains jurèrent qu’il souriait en faisant un clin d’œil au couple divin (3).

(1) Ce sont ces fruits sacrés qu’Héraclès dut cueillir pour accomplir son onzième travail.

(2) Avant que les latinistes ne la débaptisent pour en faire la constellation d’Hercule.

(3) Je ne le jurerais pas..car je n’étais pas là.

Y aura-t-il une suite à Gaïa, Zeus and C° ?

Peut-être pourrais-je traiter des expressions comme « Sortir de la cuisse de Jupiter » ou « La légende du Minotaure », voire « La conquête de la Toison d’Or »….

Peut-être aussi, pourrais-je conter les légendes attribuées aux héros grecs en les classant par ordre alphabétique….

C’est avec plaisir que je tiendrai compte de vos avis, sinon, je suivrai mon instinct. Bonne lecture Bob

GAÏA, ZEUS and C°- CHAPITRE 17

Connaissance & Partage

CHAPITRE 17

Après leur honteuse fuite en Egypte, les Olympiens, sermonnés par Athéna, commencèrent à retrouver leur courage. Le premier à reprendre le combat fut Zeus, honteux devant les reproches de sa fille, la déesse de la Guerre.

Armé de ses terribles éclairs, Zeus lança une violente et brutale offensive contre le fils de Gaïa et de Tartare. Typhon, qui ne s’attendait pas à une telle contre-offensive, fut gravement brûlé. Son premier réflexe fut de fuir. Il partit en direction de la Syrie et se cacha sur le Mont Casius où Zeus le débusqua. Tous deux se jetèrent alors dans un combat furieux qui dura plusieurs jours. Finalement, Typhon réussit à immobiliser Zeus en enroulant autour de son corps des myriades d’anneaux visqueux. Cela fait, il se saisit de la faucille, que lui avait donné Gaïa, et trancha, un à un, les tendons des mains et des pieds de Zeus.

Le Maître de l’Olympe était vivant mais paralysé. Typhon, le saisit à bras le corps et le conduisit dans la grotte Corycienne. Là, sans ménagement, il le jeta au sol et cacha les tendons dans un sac taillé dans une peau d’ours qu’il confia à Delphiné, un monstre féminin au corps couvert de serpents.

« Surtout ne quitte pas ce sac des yeux car il s’agit des tendons de Zeus, le Maître de l’Olympe. Pour l’instant il est paralysé mais, s’il les récupérait, sa vengeance serait terrible. Donc, ne laisse personne s’approcher de la grotte! »

De son côté, l’audacieuse Athéna avait suivi, de loin, l’affrontement entre Typhon et Zeus. Elle retourna en Egypte et mobilisa les autres divinités olympiennes. Tous, honteux d’avoir fui en Egypte, unirent tous leurs efforts afin de réparer leur faiblesse passagère. Guidés par Athéna, ils se rendirent en Syrie dans le but de libérer Zeus. Sans peine ils se rendirent aux abords de la grotte Corycienne et observèrent la pauvre Delphiné qui commençait à trouver le temps long.

« Comment la surprendre pour qu’elle n’ait pas le temps d’alerter Typhon ? demanda Athéna ».

« J’ai une idée, fit Pan, le Dieu des Pâturages. Vous connaissez tous ma voix capable de produire des sons effrayants. Attendons la tombée de la nuit et vous allez voir votre Delphiné se carapater à grande vitesse et sans demander son reste. »

C’est effectivement ce qui se passa. Lorsqu’elle entendit les lugubres hurlements de Pan, Delphiné se mit à courir en soulevant ses jupes à hauteur de la taille afin de courir plus vite. Aussitôt les olympiens se précipitèrent dans la grotte et ce fut un jeu d’enfant pour eux de retrouver le sac où étaient cachés les tendons de Zeus. Athéna, dont les talents de couturière sont connus de tous, réussit facilement à recoudre les tendons sur le corps paralysé de Zeus. A peine le travail achevé, celui-ci commença toutes sortes de jeux de jambes et entraina même Athéna à quelques pas de danse.

Ayant retrouvé ses forces et son dynamisme, Zeus réunit tous les Olympiens et leur tint ce discours :

« Merci mes amis d’avoir réussi à récupérer mes tendons afin que je puisse retrouve toute mon intégrité physique. Seulement, un point noir demeure : Typhon est encore vivant et il convient de l’éliminer totalement. Cependant, ce monstre est trop cruel pour que je puisse prendre le risque de vous voir périr sous ses coups. Je partirai donc seul à sa traque et, si j’échoue, vous pourrez reprendre le combat. »

Malgré les protestations de tous les Olympiens, Zeus partit seul à la recherche de Typhon sachant que le monstre s’était réfugié sur le mont Nysa et qu’il avait rencontré les trois Parques, les Déesses du Destin. Celles-ci firent semblant de l’aider en lui offrant des fruits destinés à faire retrouver ses forces à celui qui les consommait. Cela était-il possible alors que, normalement, les Parques étaient alliées à Zeus ?

S’agissait-il d’une trahison ou d’une ruse ?

(à suivre)

Bob

GAÏA, ZEUS and C°- CHAPITRE 16

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CHAPITRE 16

La Gigantomachie prit fin lorsque tous les Géants devinrent incapables de poursuivre la bataille. Ensevelis sous des tonnes de rochers, ils se manifestent rarement mais, quand l’un d’eux s’énerve, il est capable, en un instant, de répandre la terreur par ses poussées sismiques, ses grondements et ses jets de lave brûlante.

Cependant, Zeus et les siens, avaient définitivement triomphé, ce qui provoquait la rage de Gaia :

« Mon petit-fils est effrayant ! Après avoir anéanti ses oncles, les Titans, voilà qu’il élimine les Géants nés du sang des organes génitaux de son grand-père Ouranos. Ce Maître de l’Olympe n’a décidément aucun respect pour les membres de sa famille ! Sans compter qu’il transforme mes entrailles en prison… Mais je crois avoir trouvé un bon moyen de réduire les prétentions de ce présomptueux. Dès demain, je passerai à l’action ! »

Effectivement, le lendemain, à l’aube, Gaïa se rendit en Cilicie, dans le sud-est de l’Asie Mineure, et s’arrêta aux abords de la grotte Corycienne. Là, dans les profondeurs glauques et sordides infestées de gigantesques vampires, d’énormes serpents au corps visqueux et de crapauds à la peau purulente, elle rencontra le dieu Tartare. Malgré le dégoût qu’il lui inspirait, elle s’unit à lui.

Chez les divinités la gestation étant ultra-rapide, en quelques jours, elle mit au monde Typhon, le plus horrible monstre que la Terre eût connu. Ni sa taille ni son aspect repoussant ne furent jamais égalés. Son hideuse tête d’âne frôlait les étoiles tandis, qu’en écartant les bras, il couvrait cent lieues à la ronde. Son corps était formé d’une dizaine de têtes de loups qui hurlaient à la mort. Ses jambes n’étaient qu’un entrelacs de serpents crachant un venin verdâtre et pestilentiel. Lorsqu’il les déployait, ses ailes cachaient le Soleil projetant au sol une ombre qui gelait instantanément toutes les plantes. Des flammes jaillissaient de ses yeux verts et, dès qu’il l’ouvrait, sa bouche gigantesque projetait des flots de lave en fusion.

Zeus en dira plus tard :

« C’était le Dieu de l’Abomination, l’horreur divinisée, le Monstre suprême. Sa seule vue glaçait le sang »

Gaïa était persuadée que les Olympiens ne pourraient lui résister. Elle dit même un jour :

« Si, malgré cette ultime tentative, Zeus triomphe, j’abandonnerai la lutte et je me soumettrai à son autorité. »

Voilà pourquoi elle utilisa toutes ses forces pour vaincre enfin le Maître de l’Olympe. Afin d’aider Typhon, elle le fit venir en son palais afin de lui offrir une arme sacrée.

« Prends cette faucille car je suis sûre que tu en feras bon usage. En son temps, elle a été utilisée par mon fils Cronos pour tuer mon mari Ouranos qui enfermait nos enfants dans mes entrailles. Va et, comme lui, fais-en bon usage. »

Typhon lança son offensive sur le Palais Olympien au moment où tous les dieux festoyaient afin de célébrer leur victoire sur les Géants. Quand ils virent l’horrible créature jeter d’énormes rochers sur leur palais, ils s’enfuirent tous à l’exception de la déesse Athéna qui eut le temps de se cacher sous le trône de Zeus. La panique des Olympiens fut telle qu’ils se précipitèrent à l’extérieur et ne s’arrêtèrent qu’une fois parvenus en Egypte. Là, à bout de souffle, à demi rassérénés, ils se transformèrent en animaux afin que Typhon ne puisse les reconnaître. C’est ainsi que Zeus devint un bélier, Apollon un corbeau, Dionysos un bouc, Héra une génisse, Artémis un chat, Aphrodite un poisson, Arès un sanglier et Hermès un ibis (1).

Quand Typhon quitta l’Olympe, vidée de tous ses dieux, Athéna sortit de sa cachette et se rendit en Egypte où son instinct la guida jusqu’à Zeus qu’elle reconnut malgré sa métamorphose. Elle se moqua de sa frayeur et lui fit une telle honte, que le Maître de l’Olympe se décida à reprendre sa forme première et promit de poursuivre le combat.

Allait-il, alors, attaquer Typhon? La partie ne serait-elle pas trop rude ?

(à suivre)

(1) Certains mythographes prétendent que c’est depuis cette métamorphose que les Egyptiens prirent l’habitude de représenter leurs dieux sous forme d’animaux. .

GAÏA, ZEUS and C°- CHAPITRE 15

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CHAPITRE 15

Zeus et Héraclès, enfin réunis, avaient visité les environs du Mont Ida où le Maître de l’Olympe était né. De retour au domaine des Dieux, Zeus présida une réunion avec les autres divinités pour préparer la Gigantomachie : LA GUERRE CONTRE LES GÉANTS. Après une brève entrée en matière de Zeus, la première à prendre la parole fut son épouse Héra :

« J’ai consulté les Erinyes et leur opinion est formelle. Selon elles, Gaïa a fait pousser dans un lieu secret une plante miraculeuse. Quand les Géants la posséderont, ils deviendront invulnérables. A mon avis, il faut agir au plus vite. »

Zeus prit rapidement sa décision :

« Si cela est vrai, dit-il, et je ne mets pas les paroles de mon épouse en cause, je dois régler ce problème sur le champ. Dès demain matin, je partirai à la recherche de cette fameuse plante. C’est toi, Poséidon qui, pendant mon absence, gérera les affaires courantes de l’Univers. Je ne reviendrai que lorsque ces plantes auront été éliminées. »

Dès potron-minet, le Maître de l’Olympe, prit la direction de l’Orient. Là, il rencontra Hélios, « Le Soleil », sa sœur Eos « l’Aurore » ainsi que Séléné, « la Lune ». Il leur intima de ne pas se lever tant qu’il n’aurait pas trouvé les plantes magiques. Quant à Morphée, il le chargea d’endormir hommes, femmes et tous les êtres vivants afin que nul ne s’aperçoive de la durée de l’obscurité.

« Et ce jusqu’à nouvel ordre, conclut-il ! ».

Après ces paroles impératives, à la seule lumière des étoiles, Zeus entama sa recherche. Il battit la campagne afin de mettre la main sur les fameuses herbes. Il chercha, chercha, chercha jusqu’au moment où, au fond d’une profonde vallée, il vit un petit lopin de terre où poussait une herbe aux reflets argentés. Jamais il n’avait vu une si belle et curieuse plante. Sa sœur Déméter, la Déesse des cultures, qui possède un impressionnant herbier, serait étonnée de sa découverte. Désirant lui faire plaisir et enrichir sa collection, il en cueillit quelques brins lorsque, brusquement, la plante se mit à hurler :

« Lâche moi, lâche moi voyons ! Je ne suis pas pour toi mais pour les Géants ! »

Immédiatement, Zeus comprit qu’il avait enfin trouvé la plante magique. Sans relâche, il arracha tout le lopin de terre où croissait les plantes maudites et regagna le Mont Olympe. En route, il rendit visite au Soleil, à l’Aurore ainsi qu’à la Lune en les remerciant de leur précieuse collaboration et les autorisa à se lever de nouveau.

De retour en son palais olympien, il réunit toutes les divinités.

« J’ai coupé l’herbe sous les pieds des Géants, dit-il avec humour. Dès demain matin, à la première heure, nous quitterons l’Olympe pour la Thrace où ils résident. »

Les Géants avaient le moral au plus bas car ils avaient cherché en vain les plantes miraculeuses et se doutaient que leur combat était perdu d’avance. Ce fut Héraclès qui décocha la première flèche et atteignit Alcyoné, le chef des Géants. A peine tombé, celui-ci se releva car, étant sur sa terre natale, il retrouvait ses forces rien qu’au contact du sol. Héraclès le saisit alors par les épaules, le transporta hors des limites de la Thrace et là, d’un violent coup de massue, lui fracassa le crâne. Le coup fut si violent que jamais le chef des Géants ne se releva.

Lorsqu’Héraclès revint auprès des Olympiens la guerre reprit. Le Géant Porphyrion, de son promontoire, bondit sur Héra mais, au moment où il allait l’étrangler, il reçut dans son foie une flèche décochée par Eros, le Dieu de l’Amour. Aussitôt, la violence de Porphyrion se mua en un puissant désir sexuel. Il se jeta alors sur Héra et lui arracha sa robe. Zeus, voyant que sa femme allait être outragée, se rua sur le Géant et le foudroya d’un éclair. Cependant, comme l’avait prévu l’oracle, le Géant ne mourut pas et se releva et ce fut une flèche décochée par Héraclès qui le cloua au sol.

Un autre géant, Ephialtès, s’attaqua à Arès et le terrassa. Apollon lui vint en aide en plantant une flèche dans l’œil gauche du Géant qui, malgré cela, continuait à frapper le Dieu de la Guerre. Héraclès surgit alors et l‘immobilisa d’une autre flèche dans l’œil droit. De leur côté, les autres dieux olympiens ne restèrent pas étrangers au combat : Dionysos frappa Eurytos de sa thyrse, Hécate brûla Clytos de ses torches, Héphaistos versa sur Mimas une louche de métal en fusion tandis qu’Athéna écrasait Pallas sous un énorme rocher. A chaque fois, Héraclès devait intervenir afin que d’une flèche bien ajustée, il achevât le Géant.

Découragés par la vaillance des Olympiens, la force et l’invulnérabilité d’Héraclès, les Géants épargnés s’enfuirent poursuivis par Zeus et les siens. Athéna, lancée à la poursuite d’Encelade, projeta sur lui un énorme rocher qui le cloua au sol où il devint la Sicile. Poséidon, d’un violent coup de son trident, brisa en deux l’ile de Cos et en envoya un morceau sur Polybotès. Celui-ci demeure encore de nos jours, coincé sous cet énorme rocher qui forme l’île de Nisyros. De nos jours encore, les Géants crachent leur colère sous forme de lave. De plus, désirant se libérer des tonnes qui les écrasent, ils se secouent en provoquant de terribles et destructeurs tremblements de terre.

Les Géants étant immortels, ceux qui ne furent pas emprisonnés sous des îles furent, grâce à la prodigieuse force d’Héraclès, paralysés sous des tonnes et des tonnes de rochers.

Même si la Gigantomachie devait encore durer quelque temps, la victoire Zeus et des Olympiens prenaient, enfin, une bonne tournure.

(à suivre)

Bob

GAÏA, ZEUS and C°- CHAPITRE 14

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CHAPITRE 14

Zeus avait enfin retrouvé son fils Héraclès, celui qui devait devenir l’homme le plus fort du monde et celui que les Romains devaient appeler Hercule en lui attribuant les vertus et exploits de son homologue Grec.

Comme la grande réunion des dieux de l’Olympe devait avoir-lieu plus tard, Zeus proposa à son fils de lui montrer la grotte où il naquit. En cours de chemin, il évoqua sa vie de nourrisson et parla de ceux qu’il espérait rencontrer sur place.

« Certes les nymphes qui m’ont soigné et éduqué ainsi que les Curètes qui m’ont protégé sont partis mais devraient rester mes animaux nourriciers : Les abeilles au miel si savoureux et la fameuse chèvre Amalthée qui m’a offert, à profusion, son lait divin. »

Lorsqu’ils arrivèrent à la grotte, les abeilles leur firent fête en bourdonnant tout autour d’eux pendant quelques minutes. Logeaient aussi dans ce lieu sacré, une armada de chauves-souris ainsi qu’une famille de renards dont l’odeur reconnaissable prenait à la gorge. Par contre, point de chèvre !

Un berger qui gardait son troupeau de moutons les renseigna.

« Vous cherchez Amalthée, la chèvre qui a allaité le fameux Zeus, fit le paysan sans savoir qu’il avait le maître de l’Olympe devant lui. Elle est jour et nuit par monts et par vaux et elle ne tient pas une seconde en place. Depuis, elle a eu trois chevreaux qui ne la quittent pas d’un sabot. Souvent elle se repose au sommet du mont Ida. Vous pouvez tenter votre chance mais vous devez avoir de bons mollets car la pente est rude. »

Zeus et Héraclès quittèrent le paysan et prirent la route du Mont Ida. Lorsqu’ils arrivèrent à son sommet, en dehors des crottes, ils ne trouvèrent ni Amalthée ni ses chevreaux. Dépités de ne pas les avoir rencontrés, Zeus et Héraclès s’en retournèrent vers le Mont Olympe car ils ne disposaient que de peu de temps. En chemin, ils firent halte au bord d’un torrent où Zeus, qui semblait préoccupé, fit part à son fils de ses projets.

« Je crois, mon fils, avoir une bonne idée pour honorer ma chère Amalthée. »

« Je sens que tu vas me la faire partager, répondit Héraclès. »

« Ecoute mon raisonnement : Comme Amalthée adore vagabonder et errer de droite et de gauche, je vais la porter au ciel sur l’épaule d’un cocher. »

« Un cocher…pourquoi un cocher, demanda Héraclès. »

« Comme Amalthée adore les promenades, ce cocher sera chargé de la promener, du matin au soir, sur la voûte céleste. Non seulement, de son observatoire, elle observera le Mont Olympe et le Mont Ida, mais elle pourra également voir vivre la terre entière. Sans se fatiguer de surcroît. »

« Oublierais-tu ces trois chevreaux ? »

« Pas du tout. Amalthée deviendra l’étoile Capella et ses trois chevreaux seront juste sous elle, le tout sur l’épaule gauche du Cocher. Je vois déjà leur place dans le ciel. »

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A peine furent-ils arrivés à destination, qu’ils firent halte dans la cour du Palais Olympien. Héraclès vit alors son père lever sa tête vers la voûte céleste et faire jaillir des extrémités de ses doigts de multiples éclairs. Ceux-ci grimpèrent allègrement vers le ciel et vinrent se ficher dans le ciel pour dessiner une forme humaine : le voilà notre cocher (1). Sur son épaule gauche, une étoile scintillait énormément, c’était la fameuse Capella, la chèvre Amalthée. Sous elle, les trois chevreaux dessinaient un triangle de plus faible luminosité.

On verra que, tout au long de sa vie, Zeus placera dans le ciel, non seulement ses amis mais également ses multiples amoureuses, tout au moins les formes qu’il prit pour les tromper.

Bientôt, allait débuter la GIGANTOMACHIE (2).

(1) En hiver, début février et vers 22 heures, on trouve la constellation du Cocher sur le méridien (plein sud). Il est juste au-dessus d’Orion, avec Persée à sa droite, donc vers l’ouest et le Lynx à sa gauche.

(2) (à suivre…mais plus tard car, Jeannette et moi, déménageons. Reprise des PMDD, CeB et textes sur Gaïa dans une à deux semaines.)

Bob

GAÏA, ZEUS and C°- CHAPITRE 13

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CHAPITRE 13

Lorsqu’Héraclès arriva sur le Mont Olympe, il trouva Zeus déprimé. En effet, le Maître de l’Univers venait d’apprendre la disparition de ses deux nourrices préférées, emportées par une avalanche. Ces deux femmes lui étaient chères car elles avaient été chargées de lui faire découvrir la nature à l’époque où il vivait dans la grotte du Mont Ida.

Il expliqua à Héraclès le souvenir qu’il gardait d’elles :

« Ces deux nourrices s’appelaient Cynosura et Héliké. La première était une forte femme de très grande taille. Elle était aussi tendre qu’elle était solide. Combien de fois m’a t’-elle prise dans ses bras lorsque, bébé, j’étais pris d’une rage de dents ou de maux de ventre. La deuxième nourrice s’appelait Héliké. Physiquement, c’était l’opposé de Cynosura. Frêle et menue, elle avait une exceptionnelle connaissance des choses de la nature. Elle m’a appris à reconnaître les différents insectes, relever la trace du blaireau ou du renard, distinguer les plantes comestibles des dangereuses ou, encore, comment parfumer les plats avec divers aromates. »

« J’ai l’impression que tu les as beaucoup aimées, fit Héraclès. »

Zeus, les larmes aux yeux, poursuivit.

« Pour moi, elles représentaient mes parents que je ne connaissais pas encore. Elles m’ont tout appris. Je me souviens d’une sortie extraordinaire le long d’un torrent qui dévalait la montagne. On était, tous les trois, assis au-dessus des flots écumants, admirant une famille d’ours en train de capturer des saumons. En parlant doucement, afin de ne pas se faire repérer, Héliké fit une remarque dont je me souviens encore. »

« Zeus, observe bien cette famille d’ours, fit-elle avec sa douce voix. On a le papa en plein remous sur la digue rocheuse et, plus bas, la maman entourée de ses trois oursons. Que remarques-tu ? »

« Je lui avais répondu que l’ours était tout seul sur les rochers et que, souvent, il réussissait à attraper un saumon qu’il dévorait immédiatement. »

« Et que fait la maman ourse pendant ce temps, me demanda-t-elle ? »

« Elle mange aussi mais, de temps en temps, d’un coup de patte, elle envoie un saumon dans un endroit où les eaux sont calmes afin que les oursons puissent manger, eux-aussi. »

« Bien observé, firent alors les deux nourrices ! Selon nous, parmi tous les animaux de nos montagnes, l’ourse est la plus attentionnée, la plus maternelle pour ses petits. »

Et Zeus de conclure :

« Cette promenade en montagne a marqué mon esprit à tout jamais, si bien qu’à l’annonce de la dramatique disparition de ces deux femmes exceptionnelles, j’ai décidé de les porter au ciel afin, qu’à jamais, les humains imitent les ourses et aident les plus faibles d’entreeux. » (1)

C’est depuis ce temps-là que Cynosura et Héliké furent portées au ciel sous forme d’étoiles. Cynosura devint la Grande Ourse tandis que la frêle Héliké fut transformée en la Petite Ourse. Après avoir évoqué ses souvenirs, Zeus entraîna Héraclès vers le Palais Olympien et lui fit découvrir les appartements qui lui étaient réservés.

« Voilà où tu logeras, mon fils, pendant la guerre contre les Géants que l’on appelle déjà la Gigantomachie. Dès demain, nous tiendrons conseil afin de discuter sur la meilleure tactique à adopter pour les vaincre. »

« On fonce dans le tas et on les écrase, dit Héraclès. C’est la meilleure tactique ! »

« Mon fils, je sens-là ton tempérament fougueux, fit Zeus en éclatant de rire. Par contre, je préfère les débats aux initiatives solitaires. Ce sera, pour moi, la première leçon à laquelle tu vas être obligé de te conformer. »

Zeus passa un bras par-dessus les épaules d’Héraclès et le conduisit à l’extérieur du château pour admirer le paysage montagneux qui entourait le Palais olympien. Dans le ciel, de délicats nuages blancs témoignaient du beau temps. Soudain Héraclès désigna une forme allongée semblant accrochée à un nuage.

« Qu’est-ce cette forme noire que je vois sous ce gros nuage, demanda-t-il à son père ? »

« Oh, ça, fit celui-ci, c’est Héra, mon épouse ! Quand je veux la punir, je l’accroche à un nuage avec une enclume à chaque pied. Je trouve que cela la détend !... Cette fois-ci, elle a été sanctionnée parce qu’elle a voulu nuire à l’être qui, au monde, m’est le plus cher. »

« De qui s’agit-il demanda Héraclès ? Je le connais ? »

« Mais c’est toi-même mon fils ! Oserais-tu en douter ? »

Les deux hommes éclatèrent de rire avant de revenir à l’intérieur du palais sans se douter qu’Héra allait tenter, encore à plusieurs reprises, de se débarrasser du jeune héros.

Ce qui est sûr, c’est que la Gigantomachie n’allait pas tarder à débuter.

(A suivre) Bob

(1) La leçon a-t-elle était appliquée…je laisse chacun en juger

GAÏA, ZEUS and C°- CHAPITRE 12

Connaissance & Partage

CHAPITRE 12

Alcmène était à peine remise de ses fougueux ébats avec son « faux-mari », qu’elle vit arriver le vrai Amphitryon, à la tête de son armée. Elle crut avoir des visions. Etait-ce possible ? Quand celui-ci la prit dans ses bras, comme s’il ne l’avait pas vue depuis des semaines, elle fut complètement décontenancée :


« Mais, mon cher Amphitryon, je ne comprends pas ton enthousiasme. Nous sortons à peine de débats amoureux qui ont duré trois jours et trois nuits. L’aurais-u oublié ? »


L’étonnement du roi fut à son comble ! Cependant, devant les affirmations véhémentes de son épouse, il décida, sur le champ, de régler le mystère. Trois jours après, le couple partit à Dodonne consulter l’oracle qui passait pour le meilleur intermédiaire entre les Dieux et les hommes. Sous un chêne, suivant les questions de ses clients, l’oracle interrogeait les dieux qui lui répondaient par le bruissement du vent dans les feuilles que lui seul savait traduire.


Lorsque le prêtre demanda aux dieux qu’elle était l’identité du premier Amphitryon, leur réponse fut sans équivoque :


« Mes amis, dit-il, vous avez été victimes de l’une des nombreuses tromperies de Zeus, le Dieu de l’Olympe et le maître dans l’art de la métamorphose. C’est lui qui s’est unie à toi, ma pauvre Alcmène. Comme le chef de l’Univers est un étalon hors pair, tu portes en ton sein son fils ou sa fille. »


Je vous laisse imaginer l’état de lamentation d’ Alcmène. Elle resta toute une semaine à sangloter tandis que son mari tentait de la consoler chaque nuit, de la façon la plus simple et agréable que les hommes ont trouvé pour faire oublier leur tristesse aux femmes…


Quelques mois plus tard la reine mit au monde deux adorables bambins qui furent appelés Iphiclès et Alcide (1). Dès l’accouchement d’Alcmène Héra se décida à agir. Elle se déguisa en vielle femme et, dans un large panier, plaça deux boas endormis qu’elle recouvrit d’une couverture. Par-dessus les reptiles, elle disposa quelques légumes et quelques fruits. Se présentant ainsi au palais du roi de Tirynthe, les gardes du château, la prenant pour une pauvre marchande, la laissèrent passer sans même vérifier le contenu de son panier.


Arrivée dans les appartements royaux, Héra attendit et lorsqu’elle fut assurée que le roi et la reine dormaient à poings fermés, elle introduisit dans la chambre des nourrissons les serpents avant de s’éclipser en silence. Au milieu de la nuit des pleurs et des éclats de rire, venant de la chambre des jumeaux, éveillèrent le roi et la reine. Se munissant d’une torche, ils se précipitèrent vers leur chambre. Le spectacle qu’ils virent les sidéra : Dans son lit, Iphiclès, réfugié dans l’encoignure du mur, pleurait à chaudes larmes tandis qu’Héraclès, debout sur sa couche, riait aux éclats, enserrant le cou d’un boa dans chacune de ses mains.


Pour Amphitryon, le problème était définitivement réglé : Alcide était le fils de Zeus et Iphiclès, le sien!
Cependant Zeus était inquiet car, pour qu’un enfant soit immortel, il fallait que ses deux parents le soient. Si un seul des deux parents était un dieu, les Destinées acceptaient que l’enfant devienne immortel s’il buvait le lait d’une déesse. C’était donc le cas d’Héraclès : Zeus était un dieu mais pas Alcmène. Seule une déesse pouvait rendre Héraclès immortel : Héra, la jalouse !


Lorsque Zeus osa lui demander de bien vouloir donner le sein au fils d’Alcmène, Héra devint folle et lui jeta même plusieurs assiettes à la tête. Ne voyant d’autres solutions, Zeus demanda à Hermès d’aller à Tirynthe afin de s’emparer d’ Héraclès et de le lui ramener. Le stratagème devait ne durer qu’une nuit, le bébé devant être ramené à ses parents avant qu’ils ne s’éveillent.


Dans la soirée, la touffeur était telle que Zeus et Héra s’installèrent sur leur terrasse. Allongés sur des divans, ils savourèrent l’air vivifiant des montagnes. Pour faire amande honorable et se réconcilier avec son épouse, Zeus lui proposa de la régaler d’un digestif. Comme celle-ci accepta, il lui servit sa boisson préférée, à laquelle, sournoisement, il ajouta un puissant somnifère. Une fois Héra complètement assoupie, il lui dégrafa son corsage, posa Héraclès sur sa poitrine, lui mit un téton dans sa bouche et murmura :


« Bois le plus possible, mon chéri ! Bois vite ! Plus tu boiras, plus tu deviendras immortel ! »


Mais celui qui devait devenir l’homme le plus fort du monde, était déjà le bébé le plus fort du monde. En deux aspirations, il vida le sein d’Héra qui, sous la douleur, s’éveilla. Voyant sur elle un enfant qu’elle soupçonnait être Héraclès, elle le prit à deux mains et le jeta dans l’air où il fut récupéré juste à temps par Zeus avant qu’il n’atteigne le sol. Cependant le nourrisson avait la bouche pleine de lait. D’un hoquet il le cracha violemment vers le ciel où, grimpant inexorablement, le flot créa la Voie Lactée qui, depuis toujours illumine nos cieux.


Amphitryon fut un père plein d’attention pour ses deux fils et leur fit donner la même éducation. C’est vers cette époque-là que survint le premier drame. Le professeur de musique d’Héraclès s’appelait Linos. Il lui enseignait le solfège et le maniement de la Lyre. Un jour, le maître gronda sévèrement son jeune élève car il n’avait pas suffisamment appris sa leçon. Héraclès, vexé réagit violemment. Sans se rendre compte de sa force, il se saisit de son instrument et le fracassa sur la tête de Linos qui mourut sur le champ.


Amphitryon le réprimanda sévèrement et, comme sanction, l’envoya, garder son troupeau de vaches sur les montagnes environnantes.


« Tu ne reviendras que dans trois mois et tu coucheras à même le sol, dit sévèrement Amphitryon. Pour ce qui est de ta nourriture, tu te débrouilleras avec les plantes de montagne et les animaux que tu pourras capturer à mains nues. »


C’est là qu’Héraclès réussit son premier exploit : Le troupeau ayant été attaqué par un lion, il étrangla le fauve de ses propres mains. De là, naquit sa notoriété.


Héraclès tait maintenant suffisamment solide pour se mettre au service de Zeus et l’aider à vaincre les Géants. Une fois ses trois mois d’isolement terminés, il fit ses adieux à ses parents et rejoignit le Mont Olympe où Zeus et les dieux olympiens l’accueillirent à bras ouverts.


On n’avait pas fini de parler de ses exploits.


(à suivre)

Bob

(1) Alcide était le fils de Zeus et d’Alcmène. Ce n’est que lorsque Héra se réconcilia avec lui qu’il prit le nom d’« Héraclès », ce qui signifie « A la gloire de Héra ».)

GAÏA, ZEUS and C°- CHAPITRE 11

Connaissance & Partage

CHAPITRE 11

Les Olympiens devaient dénicher une femme parfaite en tous points afin, qu’unie à Zeus, elle donne naissance à un enfant, censé devenir l’homme le plus fort du monde et capable de s’opposer aux Géants dirigés par Eurymédon.

C’est Hermès qui découvrit la perle rare en sillonnant l’Argolide.

« O grand Zeus, fit-il ! La reine de Tirynthe est la femme que tu recherches. Dans toute l’Argolide, que dis-je, dans toute la Grèce, il n’y a pas une femme qui surpasse Alcmène en beauté et en grâce, n’en déplaise à Aphrodite, la déesse de l’Amour. De plus elle est très cultivée, agréable à vivre et est adorée de tout son peuple. Enfin, sa solide constitution physique peut nous laisser l’espoir d’une gestation féconde et prometteuse. »

« Si elle est pourvue de toutes les qualités, je suppose qu’elle est également très fidèle, fit remarquer Zeus. ».

« Il est vrai que la belle est très attachée à Amphitryon, son mari, mais je pense qu’il y a certaines possibilités. En ce moment, son époux est à la guerre alors que le mariage n’a pas encore été véritablement consommé. Le champ est donc libre ! … »

« Où est donc son mari, s’enquit Zeus ? »

« Amphitryon est parti en guerre contre les gens de l’île de Taphos qui ont tué les frères de son épouse. Comme celle-ci a refusé de s’unir à lui tant que sa famille ne serait pas vengée, la belle passe son temps à attendre le retour de son mari pour, disons…passer à l’action !. »

« Et quand Amphitryon revient-il de Taphos ? »

« Il devrait être de retour dans une ou deux semaines. Il est temps d’agir, fit Hermès. »

Après quelques minutes de réflexion, Zeus fit part d’un plan machiavélique.

« Voici ma stratégie: afin de tromper Alcmène je prendrai les traits du roi. Quant à toi, Hermès, je te propose de prendre ceux de Sosie, le général en chef de l’armée. Comme il faut agir vite, nous quitterons le Mont Olympe demain matin, à la première heure. »

Ce jour-là, en pleine après-midi, Alcmène se reposait sur un divan, un guépard allongé à ses pieds. Elle s’ennuyait énormément et son mari lui manquait. Avait-il réussi à la venger et pourrait donc assumer, ainsi, son rôle de mari aimant ? Alors qu’elle était sur le point de s’assoupir, elle entendit, au loin, comme un bruit de cavalcade. Folle de joie et d’espérance, elle se leva et se mit à une des fenêtres de sa chambre. Ce qu’elle vit la réjouit : Dans la cour du château, une cinquantaine d’hommes en armes, couverts de poussières et apparemment harassés, se tenaient sous les ordres d’Amphitryon et de Sosie. Lorsque le roi les libéra, ce fut comme une volée de moineaux qui s’égaya vers les tentes, dans l’espoir d’un repos bien mérité.

Lorsque le faux Amphitryon entra dans la chambre ou l’attendait Alcmène, ce furent des larmes de joie qui l’accueillirent. Blotti dans les bras de la belle reine, le faux roi était aux anges. On le serait à moins…

« Comme j’ai eu peur pour toi, mon chéri, fit Alcmène. Je suis la plus heureuse des femmes d’autant plus que j’ai compris, à ton air glorieux, que tu as réussi à venger ma famille. »

« Ce fut un jeu d’enfants, répondit Zeus qui jouait au modeste. Mais, s’il te plaît, ne revenons pas sur ces dramatiques événements le jour de nos retrouvailles. Nous aurons tout le temps d’en parler plus tard. Pour le moment, je dois donner quelques consignes à Sosie. Après cela, je serai tout à toi. »

Zeus entraîna Hermès vers l’extérieur du château et lui confia une étonnante mission :

« Va voir Hélios, « le Soleil » et Séléné, « la Lune » et demande-leur de ne pas se lever pendant trois jours et trois nuits. »

« Je ne comprends pas ta tactique, fit Hermès. Pourquoi cela ? »

« Ne sais-tu pas que, plus l’étreinte amoureuse est longue, plus l’enfant à naître est solide et vigoureux ? »

Une fois ces consignes données, le faux roi revint vers son épouse. Tous deux s’étreignirent longuement et amoureusement. Ce soir-là, après un dîner rapidement expédié, les deux amants s’aimèrent sauvagement. Comme l’avait prévu Zeus, le couple resta en ébullition pendant trois jours et trois nuits.

A l’issue de cette interminable et épuisante étreinte amoureuse, Alcmène vit son faux mari la quitter, prétextant avoir des problèmes à régler avec ses troupes. Discrètement, il quitta Tirynthe pour revenir dans ses appartements du Mont Olympe. Il ne revint jamais à Tirynthe pour retrouver sa belle. Comme on dit : il avait d’autres chats à fouetter.

La reine de Tirynthe mit trois jours à s’en remettre, utilisant deux cannes pour se déplacer. Elle n’aurait jamais imaginé que son mari fut aussi puissant.

Or, quelques jours plus tard, le vrai Amphitryon revint. Comment Alcmène allait-elle l’accueillir ?

(à suivre)

Bob

GAÏA, ZEUS and C°- CHAPITRE 10

Connaissance & Partage

CHAPITRE 10

Eurymédon, le roi des Géants, arriva dans l’après-midi à l’entrée de la grotte où vivait Maïa (1). Lorsqu’elle le vit, elle fut très étonnée et resta sur ses gardes. Elle savait que le Géant lui faisait une cour assidue bien qu’à de multiples reprises elle ait repoussé ses avances.

« Que fais-tu là, Eurymédon ? Tu t’es perdu, s’enquit-elle moqueuse ? »

« Je crois, ma chère Maïa, fit le Géant, qu’il serait temps pour toi de changer d’alliance. »

« Et pourquoi donc ? »

« Je viens d’avoir une longue discussion avec Gaïa, la Terre-Mère. Pour se venger de Zeus qui la fait souffrir, elle prépare une guerre entre les Olympiens et les Géants. »

« Pauvre Eurymédon ! Les Géants n’ont aucune chance dans cette confrontation. Vous allez être écrasés et même, ridiculisés. Je crois que Zeus restera encore longtemps au pouvoir. »

« Sauf, fit fièrement Eurymédon, sauf si les Destinées nous aident. En effet, Gaïa doit les rencontrer afin que changent les règles du combat à venir. Gaïa voudrait les persuader que pour qu’un Géant soit neutralisé il faudrait qu’il soit frappé par un Dieu et par un mortel »

« Mais c’est injuste, s’écria Maïa ! La Terre-Mère sait très bien qu’aucun mortel n’osera affronter un Géant. »

« Voilà pourquoi je suis venu te proposer de quitter Zeus et de t’unir à moi. Donc, si je deviens le « Roi du Monde » tu en deviendrais la reine. »

« Sache, cher Eurymédon que j’aime Zeus et même si les Olympiens étaient battus, ce dont je doute, je resterai près de lui car je ne suis pas femme à changer d’alliance au gré de ses intérêts. Je ne t’aimerai jamais, quoiqu’il m’en coûte ! »

Pour Maïa, Il était urgent d’avertir Zeus de ce qui se manigançait dans son dos. A peine le Maître de l’Olympe fut-il au courant des agissements de Gaïa, qu’il convoqua un conseil de guerre exceptionnel.

« Mes amis, vous savez que Gaïa n’a jamais accepté que l’on enferme les Titans dans le Monde souterrain. Cela la fait souffrir cruellement et elle désire donc se venger. »

« Mais Gaïa refuse de prendre les puissants emplâtres que je lui ai conseillés, fit remarquer Asclépios « le Dieu des plantes Médicinales ». Je n’ai jamais rencontré une malade aussi bornée. Cela ne m’étonne pas si elle souffre tant ! »

« Pour se venger elle s’apprête à lancer contre nous les Géants nés du sang de Cronos. Certes, ces géants sont inoffensifs mais Gaïa s’apprête à demander aux Destinées de changer les règles des combats. Si elle réussit à les convaincre, un Géant ne pourrait être neutralisé que s’il était frappé à la fois par un dieu et par un mortel. »

« Mais aucun mortel n’osera se confronter aux Géants, fit Hadès ! »

« Je suis bien d’accord avec-toi Hadès, admit Zeus. Voilà pourquoi je vous ai réunis car, je vous l’annonce solennellement, CE MORTEL, JE VAIS LE CRÉER ! »

Affolée, Héra, la femme de Zeus, fit part de son opposition :

« Mais, cher mari, tu es devenu fou ! J’ai déjà enfanté trois enfants et je n’ai plus la force d’en mettre au monde un quatrième. Surtout un super-héros ! »

« Mais, ma chère épouse, fit Zeus, ce n’est pas avec toi que je pensais faire cet enfant. »

Puis se tournant vers les autres dieux, il fit son annonce :

« Mes amis, je vais vous confier une tâche de la plus haute importance. Courez la campagne et trouvez une femme exceptionnelle pourvue de toutes les qualités et qui sera apte à donner la vie à un être exceptionnel »

« Si cela advient, s’écria Héra, dès le jour de sa naissance, je maudirai cet enfant et je consacrerai chaque minute de ma vie à lui nuire et à le détruire. »

Zeus se leva et, haussant les épaules, murmura suffisamment fort pour que toute l’assistance l’entende : « pauvre folle ! ».

La terrible menace d’Héra se vérifiera-t-elle dans les faits ?

(Maïa était une des 7 Pléiades. Courtisée par Zeus, elle eut de lui Hermès, qui devint le « Dieu des Commerçants et des Voyageurs.)

(à suivre)

Bob

GAÏA, ZEUS and C°- CHAPITRE 9

Connaissance & Partage

CHAPITRE 9

Prométhée devait se décider car Zeus lui avait demandé de partager le corps d’une vache en deux tas. Il se dirigea donc vers une ferme, où, auprès d’un paysan, il se procura une vache qu’il échangea contre trois cochons et revint dans sa grotte, trainant la bête attachée à une corde. N’aimant pas faire souffrir, ni les humains ni les animaux, il donna à manger à la vache de l’herbe qui avait un effet anesthésiant et, lorsqu’elle fut endormie, avec un grand couteau, il lui coupa la veine jugulaire et récupéra le sang dans une jarre. Comme le lui avait demandé Zeus, il alla déposer celle-ci sur un temple tout proche dédié à la déesse Athéna.

De retour à la grotte, il commença à dépecer la vache puis se rendit à la rivière pour laver la belle peau noire et blanche. Restait le plus difficile : partager le corps du pauvre animal. Pour commencer, il mit de côté les entrailles et les os non comestibles puis, avec grand soin, il retira la graisse qu’il détacha des muscles et rassembla les délicieux et très appétissants morceaux.

Une fois l’animal entièrement débité, Prométhée fit deux tas. Dans le premier, il entassa les entrailles et les os qu’il recouvrit de la belle peau de l’animal. Dans le deuxième tas, il plaça les bons morceaux de viande qu’il recouvrit de la graisse maculée de sang.

Lorsque Zeus se rendit sur place, il vit les deux tas, très différents l’un de l’autre. Attiré par celui recouvert de la belle peau, il fit un grand sourire en direction de Prométhée et lui dit :

« Voilà un Titan qui aime les humains mais qui leur préfère les Dieux ! »

Il posa alors la main sur le tas recouvert de la belle peau et prononça une sentence qui se voulait définitive:

« Désormais, voici la part qui reviendra aux dieux. Les humains pourront disposer de l’autre tas. »

Puis il se retira. A peine sorti de la grotte, il eut comme un doute et fit demi-tour. Il s’approcha du tas réservé aux dieux, souleva la belle peau et vit les os dégoûtants ainsi que les entrailles puantes. Il fit alors une grimace et, s’adressant à Prométhée, il lui dit :

« Tu aimes vraiment les humains au point de les préférer aux dieux. Ne te réjouis pas trop car, je te le promets, tu paieras ce forfait ! Pas de ta vie puisque tu es un immortel mais, un jour, tu souffriras le martyr. »

De retour à son palais, le Maître de l’Univers rumina sa vengeance. Lorsque la nuit fut venue, il sortit et lança un œil mauvais vers les multiples lumières qui inondaient la vallée. Alors, d’un geste majestueux, Il leva ses deux bras devant lui, tendit ses doigts vers la plaine et fit jaillir de chacun d’eux un faisceau d’éclairs.

Tout d’un coup, la vallée plongea dans le noir : Hommes et femmes ne disposaient plus du feu. Zeus ne distinguait plus ni les chemins, ni les arbres, ni même les collines environnantes. Il faut dire qu’en ces temps reculés, le ciel était entièrement noir, sans étoiles puisque c’est Zeus, lui-même qui allait les porter au ciel et inventer les constellations.

Peu à peu, une idée germa dans son esprit : Pourquoi ne décorerait-il pas le ciel des lumières et des feux qu’il venait d’éteindre chez les humains. Amoureux, ces temps-ci de la belle Pléiade Maïa, il décida de la porter au ciel en même temps que ses sœurs. C’est ainsi qu’apparut sur la voûte céleste les sept premières étoiles des Pléiades.

De son côté, lorsque Prométhée s’aperçut que les humains avaient perdu le feu, il accepta l’affrontement avec Zeus. Il rendit visite à son ami Hélios, « le Soleil » lorsque celui-ci, comme tous les soirs, se couchait à l’est. Ce dernier accepta de l’aider en lui cédant un de ses multiples rayons qu’il protégea dans une tige de sureau. Après avoir chaleureusement remercié le Roi-Soleil, Prométhée s’en fut dans la campagne et, dans la première ferme qu’il rencontra, donna quelques braises à ses habitants.

« Maintenant que vous avez le feu, allez de ferme en ferme afin de distribuer quelques braises. Si chacun allume dix foyers et demande aux bénéficiaires d’en faire autant, en peu de temps, tous les hommes et les femmes auront retrouvé la chaleur de ce bien si précieux. »

En quelques jours, le problème fut résolu. Lorsque Zeus constata que la plaine était à nouveau inondée de lumières, il comprit qu’il s’agissait d’une énième provocation de Prométhée. Furieux, il fit appel à Cratos et Bia, ses deux plus fidèles serviteurs et leur intima l’ordre de capturer Prométhée :

« Quand vous aurez mis la main sur lui, conduisez-le sur un des plus hauts sommets du Caucase. Là, vous l’attacherez à un rocher et vous l’abandonnerez-le à son sort. Mon aigle, Altaïr lui infligera un supplice dont il se souviendra. »

Ainsi, tous les matins, l’aigle plongeait dans les entrailles du Titan et mangeait son foie par petits bouts, afin de prolonger la douleur. Puis, le soir venu, le rapace regagnait le Mont Olympe tandis que pendant la nuit le foie repoussait. Ce supplice dura très longtemps jusqu’au jour où, un héros du nom d’Héraclès tua le rapace. Prométhée fut alors libéré et se réconcilia avec Zeus en lui dévoilant un terrible secret que nous évoquerons plus tard.

Pendant que se déroulaient ces évènements, dans son palais, Gaïa préparait sa vengeance. Sachant qu’elle ne pouvait plus compter sur les Titans, ses anciens alliés, elle songea aux Géants nés des gouttes de sang venant des organes génitaux d’Ouranos lorsque Cronos les lui avait tranchés. Ces êtres étaient affreux, bêtes et méchants. De plus, ils étaient affublés d’une longue barbe poisseuse où s’accrochaient les vestiges nauséabonds de leur dernier repas. Ils étaient au nombre de vingt-quatre, tous plus querelleurs, grossiers, brutaux et stupides les uns que les autres.

En son palais, Gaïa rencontra leur chef, le prétentieux Eurymédon. Lorsqu’elle lui proposa de chasser Zeus de l’Olympe, sa réaction fut négative. Gaïa tenta de l’encourager :

« Les Olympiens sont puissants, certes, mais je pourrais vous aider à les vaincre. Vous n’auriez à fournir que peu d’efforts. Avec les Destinées, auxquelles même les Dieux obéissent, vous ne pourriez être neutralisés que si vous êtes frappés, à la fois, par un Olympien et par un mortel. »

« Mais, aucun mortel n’osera s’attaquer à un Géant clama Eurymédon ! »

« Voilà pourquoi vous allez gagner, s’écria Gaïa ! De plus, afin que votre gloire traverse les siècles, nous appellerons cette guerre, la Gigantomachie ou Guerre des Géants. Vous serez célèbres pour les siècles et les siècles à venir. »

L’arrangement entre Gaïa et les Destinées allait-t-il aboutir ?

( à suivre)

Bob